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Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/570

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les enfants

nattes et les armes à feu complétaient ce léger bagage, enlevé au tombeau du chef. Il va sans dire que ces préparatifs furent faits dans l’enceinte palissadée et à l’insu des sauvages.

À six heures, le stewart servit un repas réconfortant. Où et quand mangerait-on dans les vallées du district, nul ne le pouvait prévoir. Donc, on dîna pour l’avenir. Le plat du milieu se composait d’une demi-douzaine de gros rats, attrapés par Wilson et cuits à l’étouffée. Lady Helena et Mary Grant refusèrent obstinément de goûter ce gibier si estimé dans la Nouvelle-Zélande, mais les hommes s’en régalèrent comme de vrais Maoris. Cette chair était véritablement excellente, savoureuse, même, et les six rongeurs furent rongés jusqu’aux os.

Le crépuscule du soir arriva. Le soleil disparut derrière une bande d’épais nuages d’aspect orageux. Quelques éclairs illuminaient l’horizon, et un tonnerre lointain roulait dans les profondeurs du ciel.

Paganel salua l’orage qui venait en aide à ses desseins et complétait sa mise en scène. Les sauvages sont superstitieusement affectés par ces grands phénomènes de la nature. Les néo-zélandais tiennent le tonnerre pour la voix irritée de leur Nouï-Atoua, et l’éclair n’est que la fulguration courroucée de ses yeux. La divinité paraîtrait donc venir personnellement châtier les profanateurs du tabou.

À huit heures, le sommet du Maunganamu disparut dans une obscurité sinistre. Le ciel prêtait un fond noir à cet épanouissement de flammes que la main de Paganel allait y projeter.

Les Maoris ne pouvaient plus voir leurs prisonniers. Le moment d’agir était venu.

Il fallait procéder avec rapidité. Glenarvan, Paganel, Mac Nabbs, Robert, le stewart, les deux matelots, se mirent à l’œuvre simultanément.

L’emplacement du cratère fut choisi à trente pas du tombeau de Kara-Tété. Il était important, en effet, que cet Oudoupa fut respecté par l’éruption, car avec lui eût également disparu le tabou de la montagne. Là, Paganel avait remarqué un énorme bloc de pierre autour duquel les vapeurs s’épanchaient avec une certaine intensité. Ce bloc recouvrait un petit cratère naturel creusé dans le cône, et s’opposait par son poids seul à l’épanchement des flammes souterraines. Si l’on parvenait à le rejeter hors de son alvéole, les vapeurs et les laves fuseraient aussitôt par l’ouverture dégagée.

Les travailleurs se firent des leviers avec les pieux arrachés à l’intérieur de l’Oudoupa, et ils attaquèrent vigoureusement la masse rocheuse. Sous leurs efforts simultanés, le roc ne tarda pas à s’ébranler. Ils lui creusèrent une sorte de petite tranchée sur le talus du mont, afin qu’il pût glisser par