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Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/573

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du capitaine grant.

n’était pas facile de gagner quelque établissement européen au milieu de ces contrées inconnues. Mais Kai-Koumou dépisté, on se croyait sauvé de tous les sauvages de la Nouvelle-Zélande !

Le major, pour son compte, ne cacha pas le souverain mépris que lui causaient ces Maoris, et les expressions ne lui manquèrent pas pour les qualifier. Ce fut un assaut entre Paganel et lui. Ils les traitèrent de brutes impardonnables, d’ânes stupides, d’idiots du Pacifique, de sauvages de Bedlam, de crétins des Antipodes, etc, etc. Ils ne tarirent pas.

Une journée entière devait encore s’écouler avant l’évasion définitive. On l’employa à discuter un plan de fuite. Paganel avait précieusement conservé sa carte de la Nouvelle-Zélande, et il put y chercher les plus sûrs chemins.

Après discussion, les fugitifs résolurent de se porter dans l’est vers la baie Plenty. C’était passer par des régions inconnues, mais vraisemblablement désertes. Les voyageurs, habitués déjà à se tirer des difficultés naturelles, à tourner les obstacles physiques, ne redoutaient que la rencontre des Maoris. Ils voulaient donc les éviter à tout prix et gagner la côte orientale, où les missionnaires ont fondé quelques établissements. De plus, cette portion de l’île avait échappé jusqu’ici aux désastres de la guerre, et les partis indigènes n’y battaient pas la campagne.

Quant à la distance qui séparait le lac Taupo de la baie Plenty, on pouvait l’évaluer à cent milles. Dix jours de marche à dix milles par jour. Cela se ferait, non sans fatigues, mais, dans cette courageuse troupe, nul ne comptait ses pas. Les missions une fois atteintes, les voyageurs s’y reposeraient en attendant quelque occasion favorable de gagner Auckland, car c’était toujours cette ville qu’ils voulaient gagner.

Ces divers points arrêtés, on continua de surveiller les indigènes jusqu’au soir. Il n’en restait plus un seul au pied de la montagne, et quand l’ombre envahit les vallées du Taupo, aucun feu ne signala la présence des Maoris au bas du cône. Le chemin était libre.

À neuf heures, par une nuit noire, Glenarvan donna le signal du départ. Ses compagnons et lui, armés et équipés aux frais de Kara-Tété, commencèrent à descendre prudemment les rampes du Maunganamu. John Mangles et Wilson tenaient la tête, l’oreille et l’œil aux aguets. Ils s’arrêtaient au moindre bruit, ils interrogeaient la moindre lueur. Chacun se laissait pour ainsi dire glisser sur le talus du mont pour se mieux confondre avec lui.

À deux cents pieds au-dessus du sommet, John Mangles et son matelot atteignirent la périlleuse arête défendue si obstinément par les indigènes. Si par malheur les Maoris, plus rusés que les fugitifs, avaient feint une