Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/607

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
599
du capitaine grant.

qu’il ait reparu, c’est qu’il a été victime du naufrage ou des Zélandais.

— Ainsi, votre opinion est ?… demanda Glenarvan.

— Que l’on pourrait peut-être retrouver quelques vestiges du naufrage, mais que les naufragés du Britannia sont irrévocablement perdus !

— Silence sur tout ceci, mes amis, dit Glenarvan, et laissez-moi choisir le moment où j’apprendrai cette triste nouvelle aux enfants du capitaine Grant ! »


CHAPITRE XX


UN CRI DANS LA NUIT.


L’équipage sut bientôt que la mystérieuse situation du capitaine Grant n’avait pas été éclaircie par les révélations d’Ayrton. Le découragement fut profond à bord, car on avait compté sur le quartier-maître, et le quartier-maître ne savait rien qui pût mettre le Duncan sur les traces du Britannia.

La route du yacht fut donc maintenue. Restait à choisir l’île dans laquelle Ayrton devait être abandonné.

Paganel et John Mangles consultèrent les cartes du bord. Précisément, sur ce trente-septième parallèle figurait un îlot isolé connu sous le nom de Maria-Thérésa, rocher perdu en plein Océan Pacifique, relégué à trois mille cinq cent milles de la côte américaine et à quinze cents milles de la Nouvelle-Zélande. Au nord, les terres les plus rapprochées formaient l’archipel des Pomotou, sous le protectorat français. Au sud, rien jusqu’à la banquise éternellement glacée du pôle austral. Nul navire ne venait prendre connaissance de cette île solitaire. Aucun écho du monde n’arrivait jusqu’à elle. Seuls, les oiseaux des tempêtes s’y reposaient pendant leurs longues traversées, et beaucoup de cartes ne signalaient même pas ce roc battu par les flots du Pacifique.

Si jamais l’isolement absolu devait se rencontrer sur la terre, c’était dans cette île jetée en dehors des routes humaines. On fit connaître sa situation à Ayrton. Ayrton accepta d’y vivre loin de ses semblables, et le cap fut mis sur Maria-Thérésa. En ce moment, une ligne rigoureusement droite eût passé par l’axe du Duncan, l’île et la baie de Talcahuano.

Deux jours plus tard, à deux heures, la vigie signala une terre à l’horizon. C’était Maria-Thérésa, basse, allongée, à peine émergée des flots, qui