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Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/83

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Ce muletier-chef, ce « catapaz, » suivant la dénomination chilienne, était secondé par deux péons indigènes et un enfant de douze ans. Les péons surveillaient les mulets chargés du bagage de la troupe, et l’enfant conduisait la « madrina, » petite jument qui, portant grelots et sonnette, marchait en avant et entraînait dix mules à sa suite. Les voyageurs en montaient sept, le catapaz une ; les deux autres transportaient les vivres et quelques rouleaux d’étoffes destinés à assurer le bon vouloir des caciques de la plaine. Les péons allaient à pied, suivant leur habitude. Cette traversée de l’Amérique méridionale devait donc s’exécuter dans les conditions les meilleures, au point de vue de la sûreté et de la célérité.



Ce n’est pas un voyage ordinaire que ce passage à travers la chaîne des Andes. On ne peut l’entreprendre sans employer ces robustes mulets dont les plus estimés sont de provenance argentine. Ces excellentes bêtes ont acquis dans le pays un développement supérieur à celui de la race primitive. Elles sont peu difficiles sur la question de nourriture. Elles ne boivent qu’une seule fois par jour, font aisément dix lieues en huit heures, et portent sans se plaindre une charge de quatorze arrobes[1].

Il n’y a pas d’auberges sur cette route d’un Océan à l’autre. On mange de la viande séchée, du riz assaisonné de piment, et le gibier qui consent à se laisser tuer en route. On boit l’eau des torrents dans la montagne, l’eau des ruisseaux dans la plaine, relevée de quelques gouttes de rhum, dont chacun a sa provision contenue dans une corne de bœuf appelée

  1. L’arrobe est une mesure du pays qui équivaut à 11 kilogrammes et 50 centigrammes.