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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/133

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LES DEUX FRÈRES.

À quelque terre, île ou continent qu’elle appartint, cette côte assurait le salut des naufragés.

Le littoral, qui se déroulait à l’ouest, était dominé par un pic dont les premiers rayons du soleil doraient l’extrême pointe.

« Là !… là !… » s’écria Karl Kip.

Là, en effet, car, au large, on eût vainement cherché une voile ou les feux d’un navire. De la Wilhelmina, il ne restait aucun vestige. Elle s’était perdue corps et biens. Rien non plus du steamer abordeur, qui, plus heureux sans doute, ayant survécu à la collision, se trouvait maintenant hors de vue.

En se soulevant à demi, Karl Kip n’aperçut ni débris de coque ni débris de mature. Seule surnageait cette cage à poules, à laquelle ils se tenaient.

Épuisé, engourdi, Pieter aurait coulé par le fond si son frère ne lui eût relevé la tête. Vigoureusement, Karl nageait, en poussant la cage vers un semis de récifs dont le ressac blanchissait la ligne irrégulière.

Cette première frange de l’anneau coralligène se prolongeait devant la côte. Il ne fallut pas moins d’une heure pour l’atteindre. Avec la houle qui les balayait, il eût été difficile d’y prendre pied. Les naufragés se glissèrent à travers une étroite passe, et il était un peu plus de sept heures lorsqu’ils purent se hisser sur la pointe où le canot du James-Cook venait de les recueillir.

C’était sur cette île inconnue, inhabitée, que les deux frères, à peine vêtus, sans un outil, sans un engin, sans un ustensile, allaient pendant quinze jours mener la plus misérable existence.

Tel fut le récit que fit Pieter Kip, tandis que son frère, écoutant en silence, se bornait à le confirmer du geste.

On savait à présent pourquoi la Wilhelmina, attendue à Wellington, n’y arriverait jamais, pourquoi le navire français Assomption n’avait pas rencontré d’épave sur sa route. Le trois-mâts