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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/144

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LES FRÈRES KIP

de courants irréguliers et mal connus. Nombre de navires s’y sont perdus corps et biens. Il conviendrait vraiment qu’elle fût balisée à l’exemple des baies de l’Amérique ou de l’Europe. Pendant la nuit du 10 juin 1770, malgré l’avantage d’un bon vent et d’un brillant clair de lune, l’illustre Cook faillit y faire naufrage.

Il fallait espérer que M. Gibson ne se mettrait pas en perdition. La coque de son brick ne s’ouvrirait pas sur une de ces pointes, et, comme l’avait fait le navigateur anglais, il n’en serait pas réduit à passer une voile sous sa quille pour aveugler une voie d’eau. Toutefois, l’équipage dut apporter jour et nuit la plus extrême attention afin de parer les écueils. À cette époque, grâce à des études hydrographiques faites avec une certaine précision, on pouvait se fier aux cartes du bord. En outre, Harry Gibson n’en était pas à sa première navigation à travers la mer de Corail, et il en connaissait tous les dangers.

Karl Kip lui-même avait déjà fréquenté ces difficiles parages, soit que son navire eût été chercher par l’est l’entrée du détroit de Torrès, soit qu’il en fût sorti en quittant la mer des Alfouras pendant ses campagnes en extrême Orient, La surveillance ne ferait pas défaut à bord du brick.

En somme, le temps favorisait la traversée du James-Cook, et il filait rapidement sous la brise constante des alizés du Pacifique, sans que les hommes eussent à manœuvrer.

Ces parages sont, en général, peu visités. Pour rallier les mers d’Europe, la marine marchande a diminué de beaucoup son parcours à revenir des Philippines, des Moluques, des iles de la Sonde et de l’Indo-Chine par l’océan Indien, le canal de Suez et la Méditerranée. À moins qu’ils ne soient à destination des ports de l’Ouest-Amérique, les steamers ne s’aventurent point sur la mer de Corail, Elle n’est guère fréquentée que par les voiliers, qui préfèrent la route du cap Horn à celle du cap de Bonne-Espérance, ou par