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LES FRÈRES KIP

sans cesse. Ils n’entendaient pas continuer à naviguer dans ces conditions, et ils s’entêtaient à répéter :

« Si le coup n’est pas fait avant l’arrivée à Port-Praslin, nous ne rembarquerons pas au départ… C’est une chose résolue…

— Mais que deviendrez-vous en Nouvelle-Irlande ?… observait Vin Mod.

— On nous gardera comme colons, répondait Len Cannon. Les Allemands ont besoin de bras… Nous attendrons quelque bonne occasion qui ne se présenterait pas en Tasmanie, et nous n’irons jamais à Hobart-Town. »

Cette résolution était bien pour mettre en rage Flig Balt et son complice. Faute des quatre recrues, ils devaient renoncer à leurs projets. Décidément, est-ce qu’ils ne retireraient pas de cette campagne du James-Cook ce qu’ils en avaient espéré ?…

Il est vrai, si, à Port-Praslin, Len Cannon, Kyle, Sexton, Bryce désertaient, le capitaine serait très embarrassé pour reprendre la mer. Recruter d’autres matelots en cette île de Tombera, il ne fallait guère l’espérer. Port-Praslin n’était ni Dunedin ni Wellington ni Auckland, où pullulent d’ordinaire les marins en quête d’embarquement.

Ici, rien que des colons installés pour leur propre compte, ou des employés dans les [liaisons de commerce. De là, aucune possibilité de compléter un équipage.

Mais M. Gibson ignorait ce dont il était menacé, comme il ignorait le complot ourdi contre lui et contre son navire. Les recrues ne donnaient même lieu à aucune plainte. Quant à Flig Balt, toujours flatteur, toujours obséquieux, il ne pouvait exciter les soupçons. S’il avait également trompé M. Hawkins, du moins les frères Kip, auxquels ils n’inspiraient pas confiance, s’étaient-ils sans cesse tenus sur la réserve avec lui, — ce qu’il avait remarqué. Vraiment, c’était jouer de malheur que d’avoir sauvé ces nau-