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LES FRÈRES KIP

toute hâte au comptoir, et le bruit du meurtre se répandit aussitôt.

À cette nouvelle, Nat Gibson fut comme foudroyé. On sait quel lien d’affection unissait le père et le fils. M. Hawkins, aussi terriblement frappé que le malheureux jeune homme, n’aurait pu lui donner des soins. Les frères Kip durent le transporter dans sa cabine, où il finit par reprendre connaissance. Tous deux, d’ailleurs, témoignaient de la plus vive douleur et de la plus profonde indignation.

L’équipage était atterré. Jim pleurait à grosses larmes. Hobbes, Wickley, Burnes, ne pouvaient croire à la mort de leur capitaine. Flig Balt et Vin Mod se répandaient en violentes menaces contre le meurtrier.

Seules les recrues de Dunedin montrèrent une complète indifférence. On ne l’ignore pas, Len Cannon et les autres avaient décidé de débarquer ce jour-là — ce qui eût compromis et même peut-être empêché le départ du brick. Mais, M. Gibson disparu, leurs dispositions allaient sans doute être modifiées. À plusieurs reprises, Len Cannon jeta à Vin Mod un regard interrogateur. Celui-ci détournait la tête, comme pour ne pas le comprendre.

Cependant Nat Gibson, dès qu’il fut revenu à lui, s’élança hors de sa cabine :

« Mon père !… s’écria-t-il. Je veux revoir mon père !… »

Karl Kip tenta de le retenir. Nat le repoussa et se précipita sur le pont.

M. Hamburg, qui avait regagné son habitation, s’était hâté d’accourir dès qu’il eut été informé du meurtre. Il arriva mime à bord au moment où Nat Gibson cherchait à débarquer, et il lui dit :

« Je vous accompagne. »

Il était huit heures. MM. Hamburg et Zieger, M. Hawkins et Nat Gibson, les frères Kip, quelques employés de la factorerie, prirent à travers la forêt pour atteindre la clairière, ce qui ne demanda que dix minutes à peine.