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LES FRÈRES KIP

« Vous laissez porter, monsieur Balt…

— Oui… de deux quarts…

— Vous trouveriez pourtant la mer belle à l’abri de la côte australienne.

— Possible…, répliqua Flig Balt, qui commençait à regarder le Hollandais de travers.

— Alors, reprit celui-ci, pourquoi ne gardez-vous pas votre direction ?…

— Parce que les rafales de nord-est sont toujours à redouter, et je ne veux pas me drosser le long de terre.

— Oh ! il y a de l’espace, interrompit Karl Kip, et vous auriez le temps…

— Ce n’est pas mon avis », déclara sèchement Flig Balt.

Et lorsqu’il rapporta à Vin Mod ces quelques paroles échangées entre eux :

« De quoi se mêle ce Groningois de Groningue, répliqua Vin Mod, et quand serons-nous débarrassés de tous ces gens-là ?… »

D’ailleurs, l’ancien projet qui consistait à envoyer par-dessus le bord les passagers du brick devait toujours être mis à exécution, si l’occasion se présentait. Or, à le faire aux approches des Salomon, peut-être même avec le concours des malfaiteurs qui fourmillent en ces parages, les chances de succès seraient singulièrement accrues.

Au total, cette modification de route, remarquée par Karl Kip, n’était pas importante, et, sans se justifier d’une manière absolue, elle était acceptable dans une certaine mesure. En effet, à supposer qu’une tempête s’élevât du large, un navire est moins exposé, lorsqu’il n’est pas à proximité d’une côte, quand il a devant lui « de la fuite », pour employer l’expression maritime.

Karl Kip ne crut donc pas devoir prévenir M. Hawkins. Toutefois, en dépit de Flig Balt, qui s’en apercevait, il ne cessa de surveiller la direction donnée à l’homme de barre.