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LES FRÈRES KIP

proprement envoyé au diable… Partagé entre le désir d’être payé et le désagrément de perdre deux clients s’ils s’embarquaient dès le lendemain sur le James-Cook, Adam Fry ne lui vint même point en aide, comme il l’espérait.

Alors, quand il vit cela, maître Balt, comprenant qu’il fallait en finir, dit à Vin Mod :

« Partons…

— Oui… répondit Vin Mod… il n’est encore que neuf heures !… Allons aux Old-Brothers ou au Good-Seeman… c’est à deux pas et que je sois pendu si nous revenons bredouille à bord ! »

On le voit, la pendaison, comme terme comparatif ou métaphorique, revenait fréquemment dans la conversation de l’honnête Vin Mod, et peut-être s’imaginait-il que c’était la fin naturelle de l’existence en ce bas monde !

Cependant, des plus virulentes réclamations, Adam Fry en arrivait aux menaces. Sexton et Bryce payeraient ou ils iraient coucher au poste de police. Le garçon reçut même ordre d’aller quérir les agents, qui ne sont point rares en ce quartier du port. Flig Balt et Vin Mod se préparaient donc à partir avec lui, lorsque trois ou quatre vigoureux gaillards vinrent se placer devant la porte, non moins pour empêcher de sortir que pour empêcher d’entrer.

Évidemment, ces matelots ne demandaient qu’à prendre fait et cause pour leurs camarades. Les choses ne tarderaient pas à se gâter, et la soirée finirait par des violences, comme tant d’autres. Adam Fry et le garçon n en étaient pas à cela près, et ils allaient simplement recourir à la force publique, ainsi qu’il en avaient l’habitude en ces circonstances. Aussi, voyant la porte défendue, essayèrent-ils de gagner par derrière la ruelle qui longeait la cour du fond.

On ne leur en laissa pas le temps. Toute la bande fut contre eux.