Aller au contenu

Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
335
EN ATTENDANT L’EXÉCUTION.

s’assurer que Karl et Pieter Kip avaient payé de la vie ce crime dont ils étaient, eux, les auteurs !… Et, alors, ils pourraient partir en toute sécurité, se lancer dans d’autres aventures, sans avoir rien à craindre de l’avenir !…

Après l’audience, les deux frères avaient été ramenés à la prison, et qu’on ne s’étonne pas si leur passage provoqua ces ignobles insultes dont la tourbe lâche est surtout prodigue, et contre laquelle il fallut les protéger. À ces outrages, ils ne répondirent que par l’attitude la plus digne, le silence le plus dédaigneux.

Lorsque les portes de la prison se furent refermées derrière eux, le gardien chef ne les reconduisit point aux chambres qu’ils avaient occupées séparément depuis leur incarcération, mais dans la cellule des condamnés à mort. Du moins, au milieu de tant de misères, eurent-ils cette consolation d’être réunis ! Durant ces derniers jours de leur existence, ils allaient se rattacher par une pensée commune aux souvenirs du passé, et ils auraient vécu l’un près de l’autre jusqu’au pied du gibet.

Il est vrai, dans cette cellule, ce ne fut pas la solitude à deux dont ils eussent si ardemment voulu jouir. Les gardiens ne devaient les quitter ni jour ni nuit, les surveillant, les écoutant. Il y aurait toujours, entre leurs épanchements les plus intimes, la présence de ces tiers farouches, auxquels ils n’inspiraient aucune pitié sans doute.

Il y a lieu d’observer que, si Karl Kip donna plus d’une fois large cours à son indignation, devant cette abominable injustice de deux innocents envoyés à la mort, son frère, qui essayait vainement de se contenir, se montrait plus calme et plus résigné à son sort.

Du reste, Pieter Kip ne se faisait aucune illusion sur le pourvoi que, déférant aux conseils de leur avocat, tous deux avaient signé. Que Karl, au fond de l’âme, eût conservé l’espoir que l’arrêt fût