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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/380

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LES FRÈRES KIP

une vive attention, dans laquelle perçait peut-être un certain intérêt. Est-ce donc parce que Karl et Pieter Kip appartenaient à une classe sociale où se recrutent rarement les hôtes d’un bagne ?… Est-ce donc que M. Hawkins, avec l’appui du gouverneur, avait poursuivi ses démarches en leur faveur ?… Est-ce donc qu’après la commutation de peine obtenue par lui, cet excellent homme continuait ses démarches afin d’obtenir pour eux quelque adoucissement au régime du bagne ?…

D’ailleurs, M. Skirtle ne laissa rien voir de ce qu’il pensait. Les frères Kip n’étaient et ne pouvaient être à ses yeux que deux hommes condamnés pour crime d’assassinat. C’était déjà beaucoup que la pitié de la Reine leur eût épargné le dernier supplice. Plus tard, il pourrait peut-être faire droit à la demande de Pieter Kip, mais il n’y avait pas encore lieu d’y accéder.

Pieter Kip, le cœur gonflé, étouffé par les sanglots, n’aurait pas eu la force d’insister. Il comprit que ce serait inutile, et il rentra dans le rang.

Près de six mois s’étaient écoulés depuis l’arrivée des deux frères au pénitencier de Port-Arthur. La fin de l’hiver approchait. Il avait été dur pour ces malheureux, et comment eussent-ils entrevu la possibilité qu’un changement quelconque pût modifier leur situation ?… C’est ce qui se produisit, pourtant, et voici dans quelles circonstances.

Le 15 septembre, par une belle matinée, M. Skirtle, sa femme, son fils et sa fille, venaient de faire une longue excursion à travers la forêt. Arrivés à l’isthme d’Eagle-Hawk-Neck, ils étaient descendus de voiture.

En cet endroit, quelques convicts s’occupaient à creuser un canal d’irrigation, et le capitaine-commandant avait voulu inspecter ces aménagements.

Or, les escouades auxquelles appartenaient Karl et Pieter Kip