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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/436

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LES FRÈRES KIP

tuosité dans un angle à l’amorce même de la pointe, y avait déposé quelques vivres, biscuits secs, viande conservée, achetés à Port-Arthur, plus une cruche qu’il remplit d’eau fraîche à un rio voisin.

Au milieu des ténèbres, sous le coup des aveuglantes rafales, il ne fut pas très aisé de retrouver cette excavation, et les fugitifs n’y parvinrent qu’après avoir traversé la grève, dont la déclivité était peu sensible.

« C’est là… », dit Farnham.

Et, en un instant, tous trois s’étaient introduits dans une cavité profonde au plus de cinq à six pieds, où ils seraient à l’abri de la tempête. Seulement, à mer haute, poussé par le vent qui battait de plein fouet, peut-être le flot s’étendrait- il jusqu’à son ouverture. Quant aux vivres, qui suffiraient pendant quarante-huit heures, Farnham les retrouva à leur place.

À peine ses deux compatriotes et lui s’étaient-ils installés qu’une détonation trois fois répétée, dominant les fracas de la tourmente, se fit entendre.

C’était le canon de Port-Arthur.

« L’évasion est connue !… s’écria Macarthy.

— Oui, on sait qu’ils sont évadés !… ajouta O’Brien.

— Mais ils ne sont pas pris…, dit Farnham.

— Et ils ne se laisseront pas prendre !… » déclara O’Brien.

Tout d’abord, il convenait que les deux Irlandais se délivrassent de leur chaîne, en cas qu’il fût nécessaire de fuir. Farnham s’était muni d’une lime qui servit à couper le maillon du pied.

Après six ans déjà passés dans ce bagne, O’Brien et Macarthy n’étaient plus rivés à ces lourdes entraves du galérien.

Il était évident que, pendant cette nuit, aucun canot n’atterrirait en un point quelconque de la côte. Et, d’ailleurs, comment un navire eût-il risqué de se mettre au plein sur cette formidable