« D’après le rapport qui m’a été fait, dit-il, un navire américain, le steamer Illinois, dont on ne s’expliquait guère la relâche, est arrivé sur rade. Tout porte à croire, puisqu’il est parti dans la matinée d’hier, qu’il a recueilli les fugitifs sur un point convenu de la presqu’île. Assurément c’est en Amérique qu’il les conduit. Or, dans ce pays, si les deux fenians et leur complice ont toute sécurité comme déportés politiques pour lesquels l’extradition n’est pas admise dans les traités internationaux, il n’en sera pas ainsi des deux Hollandais, qui sont des condamnés de droit commun. Donc, si l’on parvient à découvrir les frères Kip, leur extradition sera demandée, elle sera obtenue, et ils seront ramenés à Port-Arthur, d’où ils ne s’échapperont pas une seconde fois…
— À la condition, monsieur le Gouverneur, conclut M. Hawkins, que je n’aie pas réussi auparavant à découvrir les véritables auteurs du crime ! »
À quoi eût servi d’argumenter contre un tel parti pris ? Ce qui était certain, c’est que les apparences donnaient plutôt raison au gouverneur, bien que M. Hawkins refusât d’en convenir. Et ce fut l’opinion générale. Les défenseurs des frères Kip devinrent plus rares, et même se réduisirent à un seul. Leur fuite s’interpréta contre eux. Évidemment, ils ne comptaient pas sur la révision de l’affaire, ou du moins sur les résultats que cette révision donnerait, puisqu’ils s’étaient enfuis… Aussi, l’occasion de recouvrer la liberté leur ayant été offerte, ils s’étaient hâtés d’en profiter…
Telles furent les conséquences de cette évasion, qui tourna contre les deux frères et devint un nouveau témoignage de leur culpabilité.
Du reste, comprenant combien M. Hawkins, loin de paraître s’en affecter, semblait au contraire plus attaché à ses convictions, Nat Gibson évitait tout entretien à ce sujet. Mais il ne pouvait s’habituer à cette pensée que les assassins de son père se fussent échappés de