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les indes-noires.

Il n’en était rien. Cette population, ayant mêmes intérêts, mêmes goûts, à peu près même somme d’aisance, constituait, à vrai dire, une grande famille. On se connaissait, on se coudoyait, et le besoin d’aller chercher quelques plaisirs au-dehors se faisait peu sentir.

D’ailleurs, chaque dimanche, promenades dans la houillère, excursions sur les lacs et les étangs, c’étaient autant d’agréables distractions.

Souvent aussi, on entendait les sons de la cornemuse retentir sur les bords du lac Malcolm. Les Écossais accouraient à l’appel de leur instrument national. On dansait, et ce jour-là, Jack Ryan, revêtu de son costume de Highlander, était le roi de la fête.

Enfin, de tout cela il résultait, au dire de Simon Ford, que Coal-city pouvait déjà se poser en rivale de la capitale de l’Écosse, de cette cité soumise aux froids de l’hiver, aux chaleurs de l’été, aux intempéries d’un climat détestable, et qui, dans une atmosphère encrassée de la fumée de ses usines, justifiait trop justement son surnom de « Vieille-Enfumée »[1].


CHAPITRE XIV

suspendu à un fil.



Dans de telles conditions, ses plus chers désirs satisfaits, la famille de Simon Ford était heureuse. Cependant, on eût pu observer qu’Harry, déjà d’un caractère un peu sombre, était de plus en plus « en dedans », comme disait Madge. Jack Ryan, malgré sa bonne humeur si communicative, ne parvenait pas à le mettre « en dehors ».

Un dimanche, — c’était au mois de juin, — les deux amis se promenaient sur les bords du lac Malcolm. Coal-city chômait. À l’extérieur, le temps était orageux. De violentes pluies faisaient sortir de la terre une buée chaude. On ne respirait pas à la surface du comté.

Au contraire, à Coal-city, calme absolu, température douce, ni pluie ni vent. Rien n’y transpirait de la lutte des éléments du dehors. Aussi, un certain


  1. Auld-Recky, surnom donné au vieil Édimbourg.