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suspecte, il avait cru voir passer une ombre. Il s’était élancé… Rien, alors même qu’aucune issue n’eût permis à un être humain de se dérober à sa poursuite !

À deux reprises depuis un mois, Harry, visitant la partie ouest de la fosse, entendit distinctement des détonations lointaines, comme si quelque mineur eût fait éclater une cartouche de dynamite.

La dernière fois, après de minutieuses recherches, il avait reconnu qu’un pilier venait d’être éventré par un coup de mine.

À la clarté de sa lampe, Harry examina attentivement la paroi attaquée par la mine. Elle n’était point faite d’un simple remblayage de pierres, mais d’un pan de schiste, qui avait pénétré à cette profondeur dans l’étage du gisement houiller. Le coup de mine avait-il eu pour objet de provoquer la découverte d’un nouveau filon ? N’avait-on voulu que produire un éboulement de cette portion de la houillère ? C’est ce que se demanda Harry, et, quand il fit connaître ce fait à son père, ni le vieil overman, ni lui ne purent résoudre la question d’une façon satisfaisante.

« C’est singulier, répétait souvent Harry. La présence dans la mine d’un être inconnu semble impossible, et, cependant, elle ne peut être mise en doute ! Un autre que nous voudrait-il donc chercher s’il n’existe pas encore quelque veine exploitable ? Ou plutôt, ne tenterait-il pas d’anéantir ce qui reste des houillères d’Aberfoyle ? Mais dans quel but ? Je le saurai, quand il devrait m’en coûter la vie ! »

Quinze jours avant cette journée, pendant laquelle Harry Ford guidait l’ingénieur à travers le dédale de la fosse Dochart, il s’était vu sur le point d’atteindre le but de ses recherches.

Il parcourait l’extrémité du sud-ouest de la houillère, un puissant fanal à la main.

Tout à coup, il lui sembla qu’une lumière venait de s’éteindre, à quelques centaines de pieds devant lui, au fond d’une étroite cheminée, qui coupait obliquement le massif. Il se précipita vers la lueur suspecte…

Recherche inutile. Comme Harry n’admettait pas pour les choses physiques d’explication surnaturelle, il en conclut que, certainement, un être inconnu rôdait dans la fosse. Mais, quoi qu’il fît, cherchant avec le plus extrême soin, scrutant les moindres anfractuosités de la galerie, il en fut pour sa peine, et ne put arriver à une certitude quelconque.

Harry s’en remit donc au hasard pour lui dévoiler ce mystère. De loin en loin, il vit encore apparaître des lueurs qui voltigeaient d’un point à l’autre comme des feux de Saint-Elme ; mais leur apparition n’avait que la durée d’un éclair, et il fallut renoncer à en découvrir la cause.