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aller et retour

James Starr et ses compagnons éprouvaient alors une joie complète. C’était l’entière satisfaction de leurs désirs. Autour d’eux, tout n’était que houille. Une certaine émotion les rendait silencieux. Simon Ford, lui-même, se contenait. Sa joie débordait, non en longues phrases, mais par petites interjections.

C’était peut-être imprudent, à eux, de s’engager si profondément dans la crypte. Bah ! ils ne songeaient guère au retour. La galerie était praticable, peu sinueuse. Nulle crevasse n’en barrait le passage, nulle « pousse » n’y propageait d’exhalaisons malfaisantes. Il n’y avait donc aucune raison pour s’arrêter, et, pendant une heure, James Starr, Madge, Harry et Simon Ford allèrent ainsi, sans que rien pût leur indiquer quelle était l’exacte orientation de ce tunnel inconnu.

Et, sans doute, ils auraient été plus loin encore, s’ils ne fussent arrivés à l’extrémité même de cette large voie qu’ils suivaient depuis leur entrée dans la houillère.

La galerie aboutissait à une énorme caverne, dont on ne pouvait estimer ni la hauteur, ni la profondeur. À quelle altitude s’arrondissait la voûte de cette excavation, à quelle distance se reculait sa paroi opposée ? les ténèbres qui l’emplissaient ne permettaient pas de le reconnaître. Mais, à la lueur de la lampe, les explorateurs purent constater que son dôme recouvrait une vaste étendue d’eau dormante — étang ou lac —, dont les rives pittoresques, accidentées de hautes roches, se perdaient dans l’obscurité.

« Halte ! s’écria Simon Ford, en s’arrêtant brusquement. Un pas de plus, et nous roulions peut-être dans quelque abîme !

— Reposons-nous donc, mes amis, répondit l’ingénieur. Aussi bien, il faudra songer à retourner au cottage.

— Notre lampe peut nous éclairer pendant dix heures encore, monsieur Starr, dit Harry.

— Eh bien, faisons halte, reprit James Starr. J’avoue que mes jambes en ont besoin ! — Et vous, Madge, est-ce que vous ne vous ressentez pas des fatigues d’une aussi longue course ?

— Mais pas trop, monsieur James, répondit la robuste Écossaise. Nous avions l’habitude d’explorer pendant des journées entières l’ancienne houillère d’Aberfoyle.

— Bah ! ajouta Simon Ford, Madge ferait dix fois cette route, s’il le fallait ! Mais j’insiste, monsieur James, ma communication valait-elle la peine de vous être faite ? Osez dire non, monsieur James, osez dire non !