hommes n’étaient après tout que des révoltés comme il avait été lui-même un révolté. Alors qu’il se reconnaissait en eux, allait-il, sous prétexte qu’il était le plus fort, s’arroger le droit de punir ?
Le Kaw-djer, dès qu’il fut levé, se rendit à la prison, où Kennedy avait passé la nuit, effondré sur un banc. Celui-ci se leva avec empressement à son approche, et, non content de cette marque de respect, il retira humblement son béret. Pour faire ce geste, l’ancien matelot dut élever ensemble ses deux mains qu’unissait une courte et solide chaîne de fer. Après quoi, il attendit, les yeux baissés.
Kennedy ressemblait ainsi à un animal pris au piège. Autour de lui, c’était l’air, l’espace, la liberté… Il n’avait plus droit à ces biens naturels dont il avait voulu priver d’autres hommes et dont d’autres hommes le privaient à son tour.
Sa vue fut intolérable au Kaw-djer.
« Hartlepool !… appela-t-il en avançant la tête dans le poste.
Hartlepool accourut.
— Retirez cette chaîne, dit le Kaw-djer en montrant les mains entravées du prisonnier.
— Mais, monsieur… commença Hartlepool.
— Je vous prie… interrompit le Kaw-djer d’un ton sans réplique.
Puis, s’adressant à Kennedy, lorsque celui-ci fut libre.
— Tu as voulu me tuer. Pourquoi ? interrogea-t-il.
Kennedy, sans relever les yeux, haussa les épaules, en se dandinant gauchement et en roulant entre les doigts son béret de marin, par manière de dire qu’il n’en savait rien.
Le Kaw-djer, après l’avoir considéré un instant en silence, ouvrit toute grande la porte donnant sur le poste, et, s’effaçant :
— Va-t’en ! dit-il.
Puis, Kennedy le regardant d’un air indécis :
— Va-t’en ! » dit-il une seconde fois d’une voix calme.
Sans se faire prier, l’ancien matelot sortit en arrondissant le dos. Derrière lui, le Kaw-djer referma la porte, et se rendit auprès de ses deux malades, en abandonnant à ses réflexions Hartlepool fort perplexe.
L’état de Sand était stationnaire, mais celui de Dick semblait très aggravé. En proie à un furieux délire, ce dernier, s’agitait