Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/37

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renfermer qu’en petit nombre les guanaques et les vigognes, dont la fourrure est recherchée, mais, dans le voisinage, sont d’autres îles d’une étendue beaucoup plus considérable : Navarin, Hoste, Wollaston, Dawson, sans parler de la Terre de Feu avec ses immenses plaines et ses forêts profondes où ne manquent ni les ruminants ni les fauves.

Longtemps Karroly n’avait eu pour demeure qu’une grotte naturelle creusée dans le granit, préférable en somme à la hutte des Yacanas. Depuis l’arrivée du Kaw-djer, la grotte avait fait place à une maison dont les forêts de l’île avaient fourni la charpente, dont les roches avaient fourni les pierres, et dont les myriades de coquillages : térébratules, mactres, tritons, licornes, qui en parsèment les grèves, avaient fourni la chaux.

À l’intérieur de cette maison, trois chambres. Au milieu, la salle commune à vaste cheminée. À droite, la chambre de Karroly et de son fils. Celle de gauche appartenait au Kaw-djer, qui retrouvait là, rangés sur des rayons, ses papiers et ses livres, pour la plupart ouvrages de médecine, d’économie politique et de sociologie. Une armoire contenait son assortiment de fioles et d’instruments de chirurgie.

C’est dans cette maison qu’il revint avec ses deux compagnons après son excursion sur la Terre de Feu, dont l’épisode final a servi de thème aux premières lignes de ce récit. Auparavant, toutefois, la Wel-Kiej s’était dirigée vers le campement de l’Indien blessé. Ce campement était situé à l’extrémité orientale du canal du Beagle. Autour de ses huttes capricieusement groupées au bord d’un ruisseau, gambadaient d’innombrables chiens, dont les aboiements annoncèrent l’arrivée de la chaloupe. Dans la prairie avoisinante pâturaient deux chevaux d’un aspect chétif. De minces filets de fumée s’échappaient du toit de quelques ajoupas.

Dès que la Wel-Kiej eut été signalée, une soixantaine d’hommes et de femmes apparurent et dévalèrent en toute hâte vers le rivage. Une foule d’enfants nus couraient à leur suite.

Lorsque le Kaw-djer mit pied à terre, on s’empressa au devant de lui. Tous voulaient lui presser les mains. L’accueil de ces pauvres Indiens témoignait de leur ardente reconnaissance pour tous les services qu’ils avaient reçus de lui. Il écouta patiemment les uns et les autres. Des mères le conduisirent près de