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IV

à la côte

Il était alors huit heures du soir. Le vent, qui depuis un certain temps déjà soufflait du Sud-Est, battait en côte avec une prodigieuse violence. Un navire n’aurait pu doubler l’extrême pointe de l’Amérique sans risquer de se perdre corps et biens.

C’était le danger qui menaçait le bâtiment dont cette détonation avait révélé la présence. Sans doute, dans l’impossibilité de porter assez de toile, au milieu de ces rafales furieuses, pour tenir la cape courante, il était invinciblement drossé contre les récifs.

Une demi-heure plus tard, le Kaw-djer n’était plus seul au sommet de l’îlot. Au bruit de la détonation, l’Indien et son fils, s’accrochant aux roches du cap, aux touffes poussées dans les fentes, pour abréger l’escalade, étaient venus le rejoindre.

Un second coup de canon retentit. Dans ces parages déserts, par ce temps déchaîné, quel secours espérait donc le malheureux navire ?

« Il est dans l’Ouest, dit Karroly en constatant que la détonation lui arrivait de ce côté.

— Et il marche tribord amures, approuva le Kaw-djer, car il s’est rapproché du cap depuis le premier coup de canon.

— Il ne doublera pas, affirma Karroly.

— Non, répondit le Kaw-djer, la mer est trop dure… Pourquoi ne prend-il pas un bord au large ?

— Peut-être qu’il ne le peut pas.

— C’est possible, mais peut-être aussi n’a-t-il pas aperçu la terre… Il faut la lui montrer… Un feu, allumons un feu ! » s’écria le Kaw-djer.

Fiévreusement ils se hâtèrent de réunir par brassées des