Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III

à la baie scotchwell.

La Wel-Kiej revint le 15 avril de Punta-Arenas. Dès qu’on l’aperçut, les émigrants, impatients de connaître leur sort, se massèrent en rangs serrés sur le point du rivage vers lequel elle se dirigeait.

Le groupement de cette foule s’effectua de lui-même suivant les lois immuables qui régissent les attroupements sur toute la surface de notre planète imparfaite, ce qui revient à dire que les plus forts s’emparèrent des meilleures places. En arrière, furent reléguées les femmes. De là, elles ne pouvaient rien voir, ni rien entendre, mais elles n’en bavardaient qu’avec plus d’entrain en échangeant des commentaires aussi assourdissants que prématurés sur les nouvelles encore inconnues qu’apportait la chaloupe. En avant, c’était les hommes, à une distance du bord de l’eau inversement proportionnelle à leur vigueur et à leur brutalité. Quant aux enfants, pour qui tout est prétexte à jeux, il s’en trouvait un peu partout. Les plus petits pépiaient comme des moineaux, en gambadant à la périphérie du groupe ; d’autres étaient noyés dans sa masse, sans pouvoir ni avancer, ni reculer ; d’autres, ayant réussi à le traverser de part en part, tendaient leurs frimousses curieuses entre les jambes du premier rang ; de quelques-uns, enfin, les plus dégourdis, le corps tout entier, après la tête, était passé.

Le jeune Dick figurait, cela va sans dire, parmi ces débrouillards, et, non seulement il avait triomphé de tous les obstacles pour son compte personnel, mais il avait entraîné dans son sillage son inséparable Sand et un autre enfant avec lequel les deux mousses avaient noué, depuis huit jours, une amitié qui se per-