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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

En entrant dans ce port, les Français aperçurent quelques Indiens armés de lances, qui portaient sur le dos une espèce de bouclier. Bientôt, le Saint-Jean-Baptiste fut entouré de pirogues, montées par une foule d’indiens, très prodigues de démonstrations hostiles. On parvint cependant à les apaiser. Une trentaine des plus hardis grimpèrent à bord et examinèrent avec la plus grande attention tout ce qu’ils avaient sous les yeux. Bientôt même, il fallut contenir les autres, car, l’équipage comptant beaucoup de malades, il importait de ne pas laisser un trop grand nombre d’indigènes envahir le bâtiment.

Cependant, malgré le bon accueil qu’ils recevaient, les sauvages ne paraissaient pas rassurés, et leur contenance indiquait une défiance excessive. Au moindre mouvement qui se faisait sur le vaisseau, ils sautaient dans leurs pirogues ou se jetaient à la mer. L’un d’eux semblait toutefois témoigner un peu plus de confiance. Surville lui fit quelques présents. L’Indien répondit à cette politesse en faisant entendre qu’il se trouvait au fond du port un endroit où l’on pourrait faire de l’eau.

Le commandant donna ordre d’armer les embarcations, et en remit le commandement à son second, nommé Labbé.

« Les sauvages paraissaient impatients de voir les canots quitter le vaisseau, dit Fleurieu dans ses Découvertes des Français, et, à peine eurent-ils débordé, qu’ils furent suivis par toutes les pirogues. Une des embarcations semblait servir de guide aux autres, c’était celle que montait l’Indien qui avait fait à Surville des offres de service. Sur l’arrière du bâtiment, un personnage, debout, ayant dans ses mains des paquets d’herbe, les tenait élevés à la hauteur de sa tête et faisait divers gestes en cadence. Dans le milieu de la même pirogue, un jeune homme, debout aussi et appuyé sur une longue lance, conservait la contenance la plus grave. Des paquets de fleurs rouges étaient passés dans ses oreilles et dans la cloison de son nez, et ses cheveux étaient poudrés de chaux à blanc. »

Cependant, certaines allées et venues éveillèrent les soupçons des Français, qui furent conduits dans une sorte de cul-de-sac, où les naturels affirmaient qu’on trouverait de l’eau douce. Labbé, malgré les invitations pressantes des indigènes, ne voulut pas engager ses embarcations, par deux ou trois pieds d’eau, sur un fond de vase. Il se contenta donc de débarquer un caporal et quatre soldats. Ceux-ci revinrent bientôt, en déclarant qu’ils n’avaient vu de tous côtés que marais où l’on enfonçait jusqu’à la ceinture. Évidemment les sauvages avaient médité une trahison. Labbé se garda bien de leur montrer qu’il avait pénétré leur dessein, et leur demanda de lui indiquer une source.