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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Taïtiens, nous ne retiendrons que les suivants, car nous aurons l’occasion d’y revenir en racontant les voyages de Bougainville et de Cook.

Grands, bien faits, agiles, le teint un peu basané, ces indigènes sont vêtus d’une espèce d’étoffe blanche fabriquée avec l’écorce d’un arbre. Des deux pièces d’étoffe qui composent tout leur costume, l’une est carrée et ressemble à une couverture. Percée d’un trou au centre pour passer la tête, elle rappelle le « zarape » des Mexicains et le « poncho » des indigènes de l’Amérique du Sud. L’autre s’enroule autour du corps, sans être serrée. Presque tous, hommes et femmes, ont l’habitude de se tatouer de lignes noires très rapprochées, qui représentent différentes figures. Cette opération se pratique de la manière suivante : la peau est piquée, et les trous sont remplis d’une sorte de pâte, composée d’huile et de suif, qui laisse une trace indélébile.

La civilisation était peu avancée. Nous avons dit plus haut que les Taïtiens ne connaissaient pas les vases de terre. Aussi, Wallis fit-il présent à la reine d’une marmite que tout le monde vint voir avec une extrême curiosité.

Quant à la religion de ces indigènes, le commandant n’en constata nulle trace. Il lui sembla seulement qu’ils entraient dans certains lieux, qu’il supposa être des cimetières, avec une contenance respectueuse et l’appareil de la douleur.

Un des Taïtiens, qui semblait plus disposé que ses compagnons à imiter et à adopter les manières anglaises, reçut un habillement complet qui lui allait très bien. Jonathan, — c’est ainsi qu’on l’avait nommé, — était tout fier de sa nouvelle parure. Pour mettre le comble à la distinction de ses manières, il voulut apprendre à se servir de la fourchette ; mais il ne put parvenir à manier ce dernier instrument. Emporté par la force de l’habitude, il portait toujours sa main à sa bouche, et le morceau, piqué aux dents de la fourchette, passait à côté de son oreille.

Ce fut le 27 juillet que Wallis quitta l’île de Georges III. Après avoir rangé la côte de l’île du duc d’York, il découvrit successivement plusieurs îles ou îlots, sur lesquels il n’atterrit pas. Telles sont les îles de Charles-Saunders, de Lord-Howe, de Scilly, de Boscawen et de Keppel, où les dispositions hostiles des indigènes et la difficulté du débarquement l’empêchèrent de prendre terre.

L’hiver allait commencer dans la région australe. Le bâtiment faisait eau de toutes parts, l’arrière surtout était très-fatigué par le gouvernail. Était-il bien prudent, dans ces conditions, de faire voile pour le cap Horn ou le détroit de Magellan ? Ne serait-ce pas courir au-devant d’un naufrage certain ? Ne vaudrait-il pas mieux gagner Tinian ou Batavia, où l’on pourrait se réparer, et rentrer en Europe par le cap de Bonne-Espérance ? C’est à ce dernier parti que