Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
PREMIER VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

Au moment où la situation semblait désespérée, Cook résolut de s’éloigner le plus possible de la côte et de tenter de franchir la barre extérieure des brisants. Il ne tarda pas à trouver un chenal, qui le conduisit en peu de temps en pleine mer.

« Un si heureux changement de situation se fit vivement sentir, dit Kippis. L’âme des Anglais en était remplie, et leur contenance annonçait leur satisfaction. Ils avaient été près de trois mois continuellement menacés de périr. Quand ils passaient la nuit à l’ancre, ils entendaient autour d’eux une mer impétueuse qui se brisait contre les rochers, et ils savaient que, si malheureusement la câble de l’ancre cassait, ils n’échapperaient pas au naufrage. Ils avaient parcouru trois cent soixante milles, obligés d’avoir sans cesse un homme occupé à jeter le plomb et à sonder les écueils à travers lesquels ils naviguaient, chose dont aucun autre vaisseau ne pourrait peut-être fournir un aussi long exemple. »

S’ils ne venaient pas d’échapper à un danger si imminent, les Anglais auraient encore eu plus d’un sujet d’inquiétude, en songeant à la longueur de la route qu’il leur restait à parcourir, à travers des mers peu connues, sur un navire qui faisait neuf pouces d’eau à l’heure, avec des pompes en mauvais état et des provisions qui tiraient à leur fin.

D’ailleurs, les navigateurs n’avaient échappé à ces dangers terribles que pour être exposés, le 16 août, à un péril presque aussi grand. Entraînés par la marée vers une ligne de brisants, au-dessus de laquelle l’écume de la mer jaillissait à une hauteur prodigieuse, dans l’impossibilité de jeter l’ancre, sans le moindre souffle de vent, il ne leur restait d’autre ressource que de mettre les canots à la mer pour remorquer le navire. Malgré les efforts des matelots, l’Endeavour n’était plus qu’à cent pas du récif, lorsqu’une brise légère, si faible même qu’en toute autre circonstance on ne l’aurait pas remarquée, s’éleva et suffit pour écarter le bâtiment. Mais, dix minutes plus tard, elle tombait, les courants reprenaient leur force, et l’Endeavour était encore une fois emporté à deux cents pieds des brisants. Après plusieurs alternatives non moins décevantes, une ouverture étroite fut aperçue.

« Le danger qu’elle offrait était moins cruel que de demeurer dans une situation si horrible, dit la relation. Un vent léger qui se leva heureusement, le travail des canots et le flux conduisirent le vaisseau devant l’ouverture, à travers laquelle il passa avec une épouvantable rapidité. La force de ce torrent empêcha l’Endeavour de dériver d’aucun côté du canal, qui n’avait pourtant pas plus d’un mille de large, et dont la profondeur était extrêmement inégale, donnant tantôt trente brasses, tantôt sept, d’un fond sale.