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ASTRONOMES ET CARTOGRAPHES.

Tornea, ils ne virent plus que des lieux inhabités. Il leur fallut se contenter de leurs propres ressources pour escalader les montagnes, où ils plantaient les signaux qui devaient former la chaîne ininterrompue des triangles. Partagés en deux troupes, afin d’obtenir deux mesures au lieu d’une et de diminuer ainsi les chances d’erreur, les hardis physiciens, après nombre de péripéties dont on trouvera le récit dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1737, après des fatigues inouïes, parvinrent à constater que la longueur de l’arc du méridien compris entre les parallèles de Tornea et Kittis était de 53, 023 toises 1/2. Ainsi donc, sous le cercle polaire, le degré du méridien avait environ mille toises de plus que ne l’avait supposé Cassini, et le degré terrestre dépassait de 377 toises la longueur que Picard lui avait trouvée entre Paris et Amiens. La Terre était donc considérablement aplatie aux pôles, résultat que se refusèrent longtemps à reconnaître Cassini père et fils.

Courrier de la physique, argonaute nouveau,
Qui, franchissant les monts, qui, traversant les eaux,
Ramenez des climats soumis aux trois couronnes,
Vos perches, vos secteurs et surtout deux Laponnes,
Vous avez confirmé, dans ces lieux pleins d’ennui,
Ce que Newton connut sans sortir de chez lui.

Ainsi s’exprimait Voltaire, non sans une pointe de malice ; puis, faisant allusion aux deux sœurs que Maupertuis ramenait avec lui, et dont l’une avait su le séduire, il disait :

Cette erreur est trop ordinaire.
Et c’est la seule que l’on fit
En allant au cercle polaire.

« Toutefois, dit M. A. Maury dans son Histoire de l’Académie des Sciences, l’importance des instruments et des méthodes dont faisaient usage les astronomes envoyés dans le nord, donna aux défenseurs de l’aplatissement de notre globe, plus raison qu’ils n’avaient en réalité ; et, au siècle suivant, l’astronome suédois Svanberg rectifiait leurs exagérations involontaires par un beau travail qu’il publia dans notre langue. »

Pendant ce temps, la mission que l’Académie avait expédiée au Pérou procédait à des opérations analogues. Composée de La Condamine, Bouguer et Godin, tous trois académiciens, de Joseph de Jussieu, régent de la Faculté de médecine, chargé de la partie botanique, du chirurgien Seniergues, de l’horloger Godin des Odonais, et d’un dessinateur, elle quitta La Rochelle le 16 mai 1735. Ces savants gagnèrent Saint-Domingue, où furent faites quelques observations