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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

et plusieurs, enfin, un simple cerceau de bois, entouré de plumes blanches de mouettes, qui se balancent dans l’air. Les femmes mettent un grand et large chapeau d’une natte très propre, qui forme une pointe en avant, un faîte le long du sommet et deux gros lobes derrière chaque côte. »

Toute la campagne, qui fut parcourue par plusieurs détachements, était couverte de pierres noirâtres et poreuses, et offrait l’image de la désolation. Deux ou trois espèces d’herbes ridées, qui croissaient au milieu des rochers, de maigres arbrisseaux, notamment le mûrier à papier, l’hibiscus, le mimosa, quelques bananiers, voilà toute la végétation qui pouvait pousser au milieu de cet amas de lave.

Tout près du lieu de débarquement, s’élevait une muraille perpendiculaire, de pierres de taille carrées, jointes suivant toutes les règles de l’art, et s’emboîtant de manière à durer fort longtemps. Plus loin, au milieu d’une aire bien pavée, se dressait un monolithe, représentant une figure humaine à mi-corps, d’environ vingt pieds[1] de haut et de plus de cinq de large, très grossièrement sculptée, dont la tête était mal dessinée, les yeux, le nez et la bouche à peine indiqués ; seules les oreilles, très longues, comme il est de mode de les porter dans le pays, étaient plus finies que le reste.

Ces monuments, très nombreux, ne paraissaient pas avoir été dressés et sculptés par la race que rencontraient les Anglais, ou cette race s’était bien abâtardie. D’ailleurs, si les habitants ne rendaient aucun culte à ces statues, ils les entouraient cependant d’une certaine vénération, car ils témoignaient leur mécontentement lorsqu’on marchait sur l’aire pavée qui les entoure. Ce n’était pas seulement sur le bord de la mer que se voyaient ces sentinelles gigantesques. Sur les lianes des montagnes, dans les anfractuosités des rochers, il s’en trouvait d’autres, les unes debout ou tombées à terre à la suite de quelque commotion, les autres encore imparfaitement dégagées du bloc dans lequel elles étaient taillées. Quelle catastrophe subite a interrompu ces travaux ? Que représentent ces monolithes ? À quelle époque lointaine remontent ces témoignages de l’activité d’un peuple à jamais disparu ou dont les souvenirs se sont perdus dans la nuit des âges ? Problèmes à jamais insolubles !

Les échanges s’étaient faits avec assez de facilité. On n’avait eu qu’à réprimer l’adresse vraiment trop merveilleuse avec laquelle les insulaires savaient vider les poches. Les quelques rafraîchissements qu’on avait pu se procurer avaient

  1. Dans la première édition de la traduction française du deuxième voyage de Cook (Paris, 1878, 7 vol. in-4), on n’a donné que deux pieds de haut à cette statue, évidemment par suite d’un lapsus typographique. Cette faute, que nous corrigeons ici, avait été reproduite dans les éditions subséquentes.