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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/188

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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Le commandant vit ensuite plusieurs autres îles de cet immense archipel, qu’il trouva semblables à celle qu’il venait de quitter, et notamment le groupe des îles Pernicieuses, où Roggewein avait perdu sa galère l’Africaine, et auxquelles Cook donna le nom d’îles Palliser. Puis, il mit le cap sur Taïti, que ses matelots, assurés de la bienveillance des indigènes, considéraient comme une nouvelle patrie. La Résolution jeta l’ancre, le 22 avril, dans la baie Matavaï, où la réception fut aussi amicale qu’on l’espérait. Quelques jours plus tard, le roi O-Too et plusieurs autres chefs rendirent visite aux Anglais et leur apportèrent un présent de dix ou douze gros cochons avec des fruits.

Cook avait d’abord eu l’intention de ne rester en cet endroit que le temps nécessaire pour que l’astronome, M. Wales, fit plusieurs observations, mais l’abondance des vivres l’engagea à y prolonger son séjour.

Le 26 au matin, le capitaine, qui était allé à Oparrée avec quelques-uns de ses officiers pour faire au roi une visite en forme, aperçut une immense flotte de plus de trois cents pirogues, rangées en ordre le long de la côte, toutes complètement équipées. En même temps se massait sur la plage un nombre considérable de guerriers. Cet armement formidable, rassemblé en une seule nuit, excita tout d’abord les soupçons des officiers ; mais l’accueil qui leur fut fait les rassura bientôt.

Cent soixante grosses doubles pirogues de guerre, décorées de pavillons et de banderolles, cent soixante-dix autres plus petites destinées à transporter les provisions, composaient cette flotte, qui ne comptait pas moins de sept mille sept cent soixante hommes, guerriers ou pagayeurs.

« Le spectacle de cette flotte, dit Forster, agrandissait encore les idées de puissance et de richesse que nous avions de cette île, et tout l’équipage était dans l’étonnement. En pensant aux outils que possèdent ces peuples, nous admirions la patience et le travail qu’il leur a fallu pour abattre des arbres énormes, couper et polir les planches, et, enfin, porter ces lourds bâtiments à un si haut degré de perfection. C’est avec une hache de pierre, un ciseau, un morceau de corail et une peau de raie qu’ils avaient produit ces ouvrages. Les chefs et tous ceux qui occupaient les plates-formes de combat étaient revêtus de leurs habits militaires, c’est-à-dire d’une grande quantité d’étoffes, de turbans, de cuirasses et de casques. La longueur de quelques-uns de ces casques embarrassait beaucoup ceux qui les portaient. Tout leur équipement semblait mal imaginé pour un jour de bataille, et plus propre à la représentation qu’au service. Quoi qu’il en soit, il donnait sûrement de la grandeur à ce spectacle, et ces guerriers ne manquaient pas de se montrer sous le point de vue le plus avantageux. »