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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

grandes portaient vingt-cinq hommes. Ceux-ci cherchèrent aussitôt à s’approprier tout ce qui était à leur portée, bouées, pavillons, gonds du gouvernail, qu’ils essayèrent de faire sauter. Il fallut tirer une pièce de quatre au-dessus de leurs têtes pour les déterminer à regagner la côte. On atterrit ; mais, malgré toutes les babioles qui furent distribuées, on ne put jamais faire quitter à ces peuples leur attitude de défiance et de bravade. Il était évident que le moindre malentendu eût suffi pour amener l’effusion du sang.

Cook crut comprendre que ces naturels étaient anthropophages, bien qu’ils possédassent des cochons, des poules, des racines et des fruits en abondance.

Pendant cette relâche, la prudence défendait de s’écarter du bord de la mer. Cependant, Forster s’aventura quelque peu, et découvrit une source d’eau si chaude, qu’on ne pouvait y tenir le doigt plus d’une seconde.

Malgré toute l’envie qu’en avaient les Anglais, il fut impossible d’arriver jusqu’au volcan central, qui projetait jusqu’aux nues des torrents de feu et de fumée, et lançait en l’air des pierres d’une prodigieuse grosseur. Le nombre des solfatares était considérable dans toutes les directions, et le sol était en proie à des convulsions plutoniennes très accusées.

Cependant, sans jamais se départir de leur réserve, les Tanniens se familiarisèrent un peu, et les relations devinrent moins difficiles.

« Ces peuples, dit Cook, se montrèrent hospitaliers, civils et d’un bon naturel, quand nous n’excitions pas leur jalousie.... On ne peut guère blâmer leur conduite, car, enfin, sous quel point de vue devaient-ils nous considérer ? Il leur était impossible de connaître notre véritable dessein. Nous entrons dans leurs ports sans qu’ils osent s’y opposer ; nous tâchons de débarquer comme amis ; mais nous descendons à terre et nous nous y maintenons par la supériorité de nos armes. En pareille circonstance, quelle opinion pouvaient prendre de nous les insulaires ? Il doit leur paraître bien plus plausible que nous sommes venus pour envahir leur contrée que pour les visiter amicalement. Le temps seul et les liaisons plus intimes leur apprirent nos bonnes intentions. »

Quoi qu’il en soit, les Anglais ne purent deviner le motif pour lequel les naturels les empêchèrent de pénétrer dans l’intérieur du pays. Était-ce l’effet d’un caractère naturellement ombrageux ? Les habitants étaient-ils exposés à des incursions fréquentes de la part de leurs voisins, comme auraient pu le faire supposer leur bravoure et leur adresse à se servir de leur armes ? On ne sait.

Comme les indigènes n’attachaient aucun prix aux objets que les Anglais pouvaient leur offrir, ils ne leur apportèrent jamais en grande abondance les fruits et les racines dont ceux-ci avaient besoin. Jamais ils ne consentirent à se défaire