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TROISIÈME VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

sur cet archipel. Comme elles sont de tout point d’accord avec celles de M. de Kerguelen, nous les réservons pour le moment où nous raconterons le voyage de ce navigateur. Contentons-nous de dire que Cook en releva soigneusement les côtes, et les quitta le 31 décembre. Pendant plus de trois cents lieues, les deux navires firent route au milieu d’une brume épaisse.

Le 26 janvier, l’ancre tomba dans la baie de l’Aventure, à la terre de Van-Diemen, à l’endroit même où le capitaine Furneaux avait touché quatre ans auparavant. Quelques naturels vinrent visiter les Anglais, et reçurent tous les présents qu’on leur fit, sans témoigner aucune satisfaction.

« Ils étaient, dit la relation, d’une stature ordinaire, mais un peu mince ; ils avaient la peau noire, la chevelure de même couleur et aussi laineuse que celle des nègres de la Nouvelle-Guinée, mais ils n’avaient pas les grosses lèvres et le nez plat des nègres de l’Afrique. Leurs traits ne présentaient rien de désagréable ; leurs yeux nous parurent assez beaux, et leurs dents bien rangées, mais très sales. Les cheveux et la barbe de la plupart étaient barbouillés d’une espèce d’onguent rouge ; le visage de quelques-uns se trouva peint avec la même drogue. »

Cette description, pour concise qu’elle soit, n’en est pas moins précieuse. En effet, le dernier des Tasmaniens est mort, il y a quelques années, et cette race a complètement disparu.

Cook leva l’ancre le 30 janvier, et vint mouiller à son point de relâche habituel, dans le canal de la Reine-Charlotte. Les pirogues des indigènes ne tardèrent pas à environner les bâtiments ; mais pas un indigène n’osa monter à bord, tant ils étaient persuadés que les Anglais n’étaient venus que pour venger le massacre de leurs compatriotes. Lorsqu’ils furent convaincus que telle n’était pas l’intention des Anglais, ils bannirent toute défiance et toute réserve. Le commandant apprit bientôt, par l’intermédiaire de Maï, qui comprenait le zélandais, quelle avait été la cause de cet épouvantable événement.

Assis sur l’herbe, les Anglais prenaient leur repas du soir, lorsque les indigènes volèrent différentes choses. L’un de ceux-ci fut surpris et frappé par l’un des matelots. Aux cris du sauvage, ses compatriotes se ruèrent sur les marins de l’Aventure, qui en tuèrent deux, mais ne tardèrent pas à succomber sous le nombre. Plusieurs Zélandais désignèrent au capitaine le chef qui avait présidé au carnage, et l’engagèrent vivement à le mettre à mort. Cook s’y refusa, à la grande surprise des naturels, et à la stupéfaction de Maï, qui lui dit : « En Angleterre, on tue un homme qui en a assassiné un autre ; celui-ci en a tué dix, et vous ne vous vengez pas ! »