Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

dant et le naturaliste Anderson, nous ne retiendrons que celles qui sont relatives à la douceur, à l’affabilité des indigènes. Si Cook, pendant ses différentes relâches dans cet archipel, n’eut qu’à se louer de l’accueil des habitants, c’est qu’il ne soupçonna jamais le projet qu’avaient conçu Finaou et les autres chefs de l’assassiner pendant la fête nocturne de Hapaee et de surprendre les vaisseaux. Les navigateurs, qui le suivirent, n’eurent pas lieu de prodiguer les mêmes éloges, et si l’on ne connaissait la sincérité de l’illustre marin, on croirait que c’est par antiphrase qu’il a donné à cet archipel le nom d’îles des Amis.

À la mort d’un parent, les insulaires de Tonga ne manquent jamais de se donner de grands coups de poing dans les joues et de se les déchirer avec des dents de requin, ce qui explique les nombreuses tumeurs et cicatrices qu’ils portent au visage. S’ils sont en danger de mort, ils sacrifient une ou deux phalanges du petit doigt pour apaiser la divinité, et Cook ne vit pas un indigène sur dix qui ne fût ainsi mutilé.

« Le mot « tabou », dit-il, qui joue un si grand rôle dans les usages de ce peuple, a une signification très étendue.... Lorsqu’il n’est pas permis de toucher à une chose, ils disent qu’elle est tabou. Ils nous apprirent aussi que, si le roi entre dans une maison qui appartienne à un de ses sujets, cette maison devient tabou, et le propriétaire ne peut plus l’habiter. »

Quant à leur religion, Cook crut la démêler assez bien. Leur dieu principal, Kallafoutonga, détruit dans ses colères les plantations, sème les maladies et la mort. Toutes les îles n’ont pas les mêmes idées religieuses, mais partout on est unanime à admettre l’immortalité de l’âme. Enfin, s’ils n’apportent point à leurs dieux des offrandes et des fruits ou d’autres productions de la terre, ces sauvages leur offrent, cependant, en sacrifice des victimes humaines.

Le 17 juillet, Cook perdit de vue les îles Tonga, et, le 8 août, l’expédition, après une série de coups de vent qui causèrent des avaries assez sérieuses à la Discovery, arriva en vue d’une île appelée Tabouaï par ses habitants.

Tous les frais d’éloquence des Anglais, pour persuader aux naturels de monter à bord, furent inutiles. Jamais ceux-ci ne consentirent à quitter leurs canots, et ils se contentèrent d’inviter les étrangers à venir les visiter. Mais, comme le temps pressait et que Cook n’avait pas besoin de provisions, il passa sans s’arrêter devant cette île, qui lui parut fertile, et qui, suivant le dire des insulaires, abondait en cochons et en volailles. Forts, grands, actifs, ces naturels, à l’air dur et farouche, parlaient la langue taïtienne. Les relations furent donc faciles avec eux.

Quelques jours plus tard, les cimes verdoyantes de Taïti se dessinaient à