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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

La Résolution et la Discovery quittèrent Taïti le 30 septembre, et vinrent mouiller à Eimeo. Le séjour, en cet endroit, fut attristé par un pénible incident. Des vols fréquents avaient eu lieu déjà depuis quelques jours, lorsqu’une chèvre fut dérobée. Cook, pour faire un exemple, brûla cinq ou six cases, incendia un plus grand nombre de pirogues, et menaça le roi de toute sa colère, si l’animal ne lui était pas immédiatement ramené.

Dès qu’il eut obtenu satisfaction, le commandant partit pour Huaheine avec Maï, qui devait s’établir sur cette île.

Un terrain assez vaste fut cédé par les chefs du canton de Ouare, moyennant de riches cadeaux. Cook y fit construire une maison et planter un jardin, qu’on sema de légumes européens. Puis, on laissa à Maï deux chevaux, des chèvres, de la volaille. En même temps, on lui faisait cadeau d’une cotte de mailles, d’une armure complète, de poudre, de balles et de fusils. Un orgue portatif, une machine électrique, des pièces d’artifice et des instruments de culture ou de ménage, complétaient la collection des cadeaux, ingénieux ou bizarres, destinés à donner aux Taïtiens une haute idée de la civilisation européenne. Maï avait bien une sœur mariée à Huaheine, mais son mari occupait une position trop humble pour l’empêcher d’être dépouillé. Cook déclara donc solennellement, que l’indigène était son ami, qu’il reviendrait, dans peu de temps, s’informer de la manière dont il aurait été traité, et qu’il punirait sévèrement ceux qui se seraient mal conduits à son égard.

Ces menaces devaient produire leur effet, car, peu de jours avant, des voleurs, saisis en flagrant délit par les Anglais, avaient eu la tête rasée et les oreilles coupées. Un peu plus tard, à Raiatea, afin d’obtenir qu’on lui renvoyât des matelots déserteurs, Cook avait enlevé, d’un seul coup de filet, toute la famille du chef Oreo. La modération dont le capitaine avait fait preuve à son premier voyage allait toujours diminuant. Il devenait chaque jour plus exigeant et plus sévère. Cette conduite devait finir par lui être fatale.

Les deux Zélandais qui avaient demandé à accompagner Maï furent débarqués avec lui. Le plus âgé consentait sans peine à vivre à Huaheine ; mais le plus jeune avait conçu tant d’affection pour les Anglais, qu’il fallut le descendre, pour ainsi dire, de force, au milieu des témoignages d’affection les plus touchants. Cook, au moment où il leva l’ancre, reçut les adieux de Maï, dont la contenance et les larmes exprimaient qu’il comprenait toute la perte qu’il allait faire.

Si Cook partait satisfait d’avoir comblé de trésors le jeune Taïtien qui s’était confié à lui, il éprouvait des craintes sérieuses sur son avenir. En effet, il