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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/278

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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

La ville, renversée par un tremblement de terre en 1751 avait été rebâtie à trois lieues de la mer, sur les bords de la rivière Biobio. Les maisons n’avaient qu’un seul étage, ce qui donnait à La Concepcion une étendue considérable, car elle ne renfermait pas moins de dix mille habitants. La baie est une des plus commodes qui soient au monde ; la mer y est tranquille, et presque sans courants.

Cette partie du Chili est d’une fécondité incomparable. Le blé y rapporte soixante pour un, la vigne produit avec la même abondance, et les campagnes sont couvertes de troupeaux innombrables, qui y multiplient au delà de toute croyance.

Malgré ces conditions de prospérité, le pays n’avait fait aucun progrès, à cause du régime prohibitif qui florissait à cette époque. Le Chili, avec ses productions qui auraient sans peine alimenté la moitié de l’Europe, ses laines qui auraient suffi aux manufactures de France et d’Angleterre, ses viandes dont on aurait pu faire des salaisons, ne faisait aucun commerce. En même temps, les droits à l’importation étaient excessifs. Aussi la vie était-elle excessivement coûteuse. La classe moyenne, ce qu’on nomme aujourd’hui la bourgeoisie, n’existait pas. La population se divisait en deux catégories, les riches et les pauvres, comme le prouve le passage suivant :

« La parure des femmes consiste en une jupe plissée, de ces anciennes étoffes d’or ou d’argent qu’on fabriquait autrefois à Lyon. Ces jupes, qui sont réservées pour les grandes occasions, peuvent, comme les diamants, être substituées dans les familles et passer des grand’mères aux petites-filles. D’ailleurs, ces parures sont à la portée d’un petit nombre de citoyennes ; les autres ont à peine de quoi se vêtir. »

Nous ne suivrons pas La Pérouse dans les détails de la réception enthousiaste qui lui fut faite, et nous passerons sous silence les descriptions de bals et de toilettes, qui, d’ailleurs, ne lui faisaient pas perdre de vue l’objet de son voyage. L’expédition n’avait encore parcouru que des régions mainte fois sillonnées par les navires européens. Il était temps qu’elle se lançât dans un champ moins exploré. L’ancre fut levée le 13 mars, et, après une navigation sans incident, les deux frégates mouillèrent, le 9 avril, dans la baie de Cook, à l’île de Pâques.

La Pérouse affirme que M. Hodges, le peintre qui accompagnait le célèbre navigateur anglais, a très mal rendu la physionomie des insulaires. Elle est généralement agréable, mais on ne peut pas dire qu’elle ait un caractère distinctif.