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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

nulle et non avenue la communication du commandant français ? D’Entrecasteaux ne le pensa pas, malgré tout ce qu’elle avait d’invraisemblable.

La station au Cap avait été mise à profit par les savants, qui avaient fait de nombreuses courses aux environs de la ville, et notamment par La Billardière. qui s’était enfoncé aussi loin dans l’intérieur que le permettait le peu de temps que devait durer le séjour des frégates sur la rade.

L’ancre fut levée le 10 février, et d’Entrecasteaux, résolu à doubler le cap de Diemen pour entrer dans les mers du Sud, fit faire route pour passer entre les îles Saint-Paul et Amsterdam. Découvertes en 1696, par le capitaine Valming, elles avaient été reconnues par Cook à son dernier voyage. L’île Saint-Paul, auprès de laquelle passèrent la Recherche et l’Espérance, était enveloppée de nuages d’épaisse fumée, au-dessus desquels s’élevaient des montagnes. C’étaient ses forêts qui brûlaient.

Le 21 avril, les deux flûtes pénétraient dans une baie de la côte de Van-Diemen qu’on croyait être celle de l’Aventure, mais qui porte en réalité le nom de baie des Tempêtes. Le fond de cette baie reçut le nom de port d’Entrecasteaux. Il fut facile de s’y procurer du bois, et l’on y pêcha en abondance toute sorte de poissons. Parmi les arbres fort beaux qu’on trouva en cet endroit, La Billardière cite plusieurs sortes d’eucalyptus, dont on ignorait encore les qualités multiples. Les chasses nombreuses auxquelles il prit part lui procurèrent des spécimens de cygnes noirs et de kanguros, alors fort peu connus.

Ce fut le 16 mai que les frégates sortirent du port et se dirigèrent vers un détroit, où d’Entrecasteaux avait l’intention de pénétrer, et qui depuis a reçu le nom de cet amiral.

« Plusieurs feux aperçus à peu de distance du rivage, dit la relation, déterminèrent MM. Crétin et d’Auribeau à aborder ; et, à peine entrés dans les bois, ils rencontrèrent quatre naturels occupés à entretenir trois petits feux auprès desquels ils étaient assis. Ces sauvages s’enfuirent sur-le-champ, malgré tous les signes d’amitié qu’on leur fit, en abandonnant les homards et les coquillages qu’ils faisaient griller sur les charbons. On voyait tout près autant du cases que de feux....

« Un des sauvages, d’une très grande taille et fortement musclé, avait oublié un petit panier rempli de morceaux de silex ; il ne craignit pas de venir le chercher et s’avança tout près de Crétin avec l’air d’assurance que sa force semblait lui donner. Les uns étaient tout nus et les autres avaient une peau de kanguro sur les épaules. Ces sauvages sont d’une couleur noire peu foncée ; ils laissent croître leur barbe et ont les cheveux laineux.