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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

tant plus grande, qu’il a à peu près la couleur des voiles d’un vaisseau ; quelques arbustes en couronnaient la sommité. Les terres des Arsacides, vis-à-vis de ce rocher, sont escarpées et couvertes de grands arbres jusque sur leurs sommets. »

Après avoir rectifié la position des roches d’Eddy-Stone et celle des îles de la Trésorie, au nombre de cinq, mais si rapprochées que Bougainville les avait prises pour une seule et même terre, d’Entrecasteaux longea l’île de Bougainville. Séparée par un canal très étroit de l’île Bouka, cette dernière était couverte de plantations et paraissait très peuplée. Quelques échanges furent faits avec les naturels de cette île, mais il fut impossible de les déterminer à monter à bord.

« La couleur de leur peau, dit La Billardière, est d’un noir peu foncé. Ces sauvages sont d’une taille moyenne ; ils étaient sans vêtements, et leurs muscles très prononcés annonçaient la plus grande force. Leur figure n’est rien moins qu’agréable, mais elle est remplie d’expression. Ils ont la tête fort grosse, le front large, de même que toute la face, qui est très aplatie, particulièrement au-dessous du nez, le menton épais, les joues un peu saillantes, le nez épaté, la bouche fort large et les lèvres assez minces.

« Le bétel, qui teint d’une couleur sanguinolente leur grande bouche, ajoute encore à la laideur de leur figure. Il paraît que ces sauvages savent tirer de l’arc avec beaucoup d’adresse. Un d’eux avait apporté, à bord de l’Espérance, un fou qu’il venait de tuer ; on remarqua au ventre de cet oiseau le trou de la flèche qui l’avait percé.

« Ces insulaires ont particulièrement tourné leur industrie du côté de la fabrication de leurs armes ; elles sont travaillées avec beaucoup de soin. Nous admirâmes l’adresse avec laquelle ils avaient enduit d’une résine la corde de leurs arcs, de sorte qu’on l’eût prise au premier coup d’œil pour une corde de boyau ; elle était garnie vers le milieu d’écorce de rotin, pour qu’elle s’usât moins en décochant les flèches. »

Le 13 juillet fut terminée la reconnaissance de la côte occidentale de ces deux îles, dont Bougainville avait relevé la partie orientale.

Le lendemain, l’île à laquelle Carteret a donné le nom de sir Charles Hardy et, bientôt après, l’extrémité sud-est de la Nouvelle-Irlande, parurent aux yeux des navigateurs français.

Les deux frégates mouillèrent dans le havre Carteret, et les équipages s’établirent sur l’île des Cocos, couverte de grands arbres toujours verts, qui croissaient avec vigueur, malgré le peu de terre végétale amassée entre les pierres calcaires. Il fut assez difficile de s’y procurer les cocos, qui avaient cependant,