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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

naient la tête du côté du roi, en faisant avec leurs bras des mouvements qui ne manquaient pas de grâce ; d’autres fois, ils inclinaient la tête avec vitesse jusque sur la poitrine et la secouaient à différentes reprises.

« Sur ces entrefaites, Toubau offrit au général des pièces d’étoffe fabriquées avec l’écorce du mûrier à papier, et il les fit déployer avec beaucoup d’ostentation pour nous faire connaître tout le prix de son présent.

« Celui de ses ministres qui était assis à sa droite ordonna qu’on préparât le kava, et bientôt on en apporta plein un vase de bois taillé en ovale, dont la longueur était d’un mètre.

« Les musiciens avaient sans doute réservé pour cet instant leurs plus beaux morceaux, car, à chaque pose qu’ils faisaient, nous entendions crier de toutes parts : Mâli ! mâli ! et les applaudissements réitérés des habitants nous firent connaître que cette musique faisait sur eux une impression très vive et très agréable.

« Le kava fut ensuite distribué aux différents chefs par celui qui avait ordre de le préparer »

Ce concert était bien loin de valoir, on le voit, les fêtes splendides qui avaient eu lieu pour la réception de Cook.

La reine Tiné donna ensuite un grand bal, précédé d’un concert qui avait attiré un grand concours de naturels, parmi lesquels, il est bon de le remarquer, s’étaient glissés un grand nombre de voleurs, dont l’impudence finit par être telle, qu’ils se saisirent par force d’un couteau. Vivement poursuivis par le forgeron de la Recherche, ils se retournèrent, lorsqu’ils le virent seul, le chargèrent et lui fendirent la tête d’un coup de massue. Par bonheur, cette rixe fut aperçue de l’Espérance, d’où l’on tira un coup de canon qui dispersa les assassins. Plusieurs insulaires, à cette occasion, furent tués par des officiers ou des matelots, qui ne savaient pas exactement ce qui s’était passé et croyaient voir des ennemis dans tous les insulaires qu’ils rencontraient.

Les bonnes relations ne tardèrent pas cependant à se rétablir, et elles étaient si cordiales au moment du départ, que plusieurs indigènes demandèrent à s’embarquer pour venir en France.

« Les notions que des insulaires très intelligents nous donnèrent sur les vaisseaux qui avaient mouillé dans cet archipel, dit la relation, nous firent connaître que La Pérouse n’avait relâché dans aucune de ces îles. Ils se souvenaient très bien des différentes époques auxquelles ils avaient vu le capitaine Cook, et, pour nous en faire connaître les intervalles, ils comptaient par récoltes d’ignames et nous en indiquaient deux pour chaque année. »