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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

leurs relèvements dans le plus grand détail et avoir constaté qu’aucun grand fleuve ne se jette en cet endroit dans la mer, furent contraints d’abréger leur reconnaissance du port Lincoln, car le terme prescrit pour le retour à l’île des Kanguros allait expirer. Certains d’être abandonnés s’ils étaient en retard, ils ne se hâtèrent pas assez, cependant, car, lorsqu’ils atteignirent cette île, le 1er  février, le Géographe avait mis à la voile, sans s’inquiéter du Casuarina, qui n’avait pourtant que fort peu de vivres.

Baudin continua seul l’exploration de la côte, et le relèvement de l’archipel Saint-François, travail très important, puisque, depuis la découverte de ces îles par Peter Nuyts, en 1627, aucun navigateur ne les avait visitées en détail. Flinders venait bien d’opérer cette reconnaissance, mais Baudin l’ignorait, et ce navigateur se croyait le premier Européen venu dans ces parages depuis leur découverte.

Lorsque le Géographe arriva, le 6 février, dans le port du Roi-Georges, il y trouva le Casuarina tellement avarié, qu’il avait fallu l’échouer sur la plage.

Découvert en 1791 par Vancouver, le port du Roi-Georges est d’une importance d’autant plus grande, que, sur une étendue de côtes au moins égale à la distance de Paris à Pétersbourg, c’est le seul point bien connu de la Nouvelle-Hollande où il soit possible de se procurer de l’eau douce en tout temps.

Malgré cela, tout le pourtour de la rade est stérile. « L’aspect de l’intérieur du pays sur ce point, dit M. Boullanger dans son journal, est véritablement horrible, les oiseaux même y sont rares ; c’est un désert silencieux. »

Au fond d’une des indentations de cette baie, qu’on appelle le havre aux Huîtres, un naturaliste, M. Faure, découvrit un cours d’eau, la rivière des Français, dont l’embouchure était large comme la Seine à Paris. Il entreprit de la remonter et de s’enfoncer ainsi, le plus loin possible, dans l’intérieur du pays. À deux lieues à peu près de l’embouchure, l’embarcation se trouva arrêtée par deux digues solidement construites en pierres sèches qui se rattachaient à une petite île et interceptaient tout passage.

« Cette muraille était percée par des embrasures placées, pour la plupart, au-dessus de la ligne de marée basse et dont la partie tournée vers la mer était très large, tandis que l’autre était, vers l’intérieur du pays, beaucoup plus étroite. Par ce moyen, le poisson qui, à mer haute, remontait la rivière, pouvait aisément traverser la chaussée ; mais, toute retraite lui étant à peu près interdite, ce poisson se trouvait dans une espèce de réservoir, où il était facile aux pêcheurs de le prendre ensuite à leur gré. »

M. Faure devait trouver cinq autres de ces murailles dans l’espace de moins