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LES EXPLORATEURS DE L'AFRIQUE.

Une remarque curieuse à faire, c’est que le nombre des Européens attirés dans l’Afrique australe par le seul appât des découvertes géographiques est bien moins considérable que celui des voyageurs dont la principale préoccupation est l’histoire naturelle. Nous venons de citer successivement Sparrman, Thunberg, Paterson ; à cette liste, il faut ajouter le nom de l’ornithologiste Le Vaillant.

Né à Paramaribo, dans la Guyane hollandaise, de parents français qui faisaient le commerce des oiseaux, Le Vaillant revint avec eux en Europe, et parcourut, dès sa plus tendre enfance, la Hollande, l’Allemagne, la Lorraine, les Vosges, avant d’arriver à Paris. Il est facile de comprendre que cette existence cosmopolite ait pu faire naître en lui le goût des voyages. Sa passion pour les oiseaux, encore excitée par la vue des collections nationales ou particulières, fit naître en lui le désir d’enrichir la science par la description et la représentation d’espèces inconnues.

Quelle contrée lui offrait sous ce rapport la plus riche récolte ? Les pays voisins du Cap avaient été explorés par des botanistes, et par un savant qui avait fait des quadrupèdes le principal objet de ses recherches. Personne ne les avait encore parcourus pour se procurer des oiseaux.

Arrivé au Cap, le 29 mars 1781, Le Vaillant, après la catastrophe qui fit sauter son bâtiment, se trouva sans autre ressource que l’habit qu’il portait, dix ducats et son fusil.

D’autres auraient été déconcertés. Le Vaillant, lui, ne perdit pas l’espoir de se tirer de cette position fâcheuse. Confiant dans son adresse à tirer le fusil et l’arc, dans sa force et son agilité, comme dans son talent pour préparer les peaux d’animaux et empailler les oiseaux auxquels il savait donner l’allure qui leur était propre, Le Vaillant fut bientôt en rapport avec les plus riches collectionneurs du Cap.

L’un d’eux, le fiscal Boers, lui fournit toutes les ressources nécessaires pour voyager avec fruit, chariots, bœufs, provisions, objets d’échange, chevaux, jusqu’aux domestiques et aux guides qui devaient l’accompagner. Le genre de recherches auxquelles Le Vaillant avait dessein de se livrer influa sur son mode de voyage. Loin de chercher les lieux fréquentés et les agglomérations, il s’efforça toujours de se jeter hors des routes frayées, dans les cantons laissés de côté par les Européens, car il pensait ne devoir rencontrer que là seulement de nouveaux types d’oiseaux, inconnus des savants. Il résulta de cette manière de procéder que Le Vaillant prit presque toujours la nature sur le vif, et qu’il eut des rapports avec des indigènes dont les mœurs n’avaient