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LES DEUX AMÉRIQUES.

vignobles ornés de palmiers, de bananiers et d’arbres de dragon dont les racines sont baignées par les flots… Nous sommes entrés jusque dans le cratère même, qui n’a que 40 à 60 pieds de profondeur. La cime est à 1 904 toises au-dessus du niveau de la mer, tel que Borda l’a trouvé par une opération géométrique très exacte….. Le cratère du pic, c’est-à-dire celui de la cime, ne jette, depuis des siècles, plus de laves (celles-ci ne sortent que des flancs). Mais le cratère produit une énorme quantité de soufre et de sulfate de fer. »

Au mois de juillet, Humboldt et Bonpland arrivèrent à Cumana, dans cette partie de l’Amérique du Sud connue sous le nom de Terre-Ferme. Ils y passèrent d’abord quelques semaines à examiner les traces du grand tremblement de terre de 1797. Ils fixèrent ensuite la position de Cumana, placée, sur toutes les cartes, d’un demi-degré trop au sud, — ce qu’il fallait attribuer à ce que le courant qui porte au nord près de la Trinité a trompé tous les navigateurs. Au mois de décembre 1799, Humboldt écrivait de Caracas à l’astronome Lalande :

« Je viens de finir un voyage infiniment intéressant dans l’intérieur du Para, dans la Cordillère de Cocolar, Tumeri, Guiri ; j’ai eu deux ou trois mules chargées d’instruments, de plantes sèches, etc. Nous avons pénétré dans les missions des capucins, qui n’avaient été visitées par aucun naturaliste ; nous avons découvert un grand nombre de végétaux, principalement de nouveaux genres de palmiers, et nous sommes sur le point de partir pour l’Orinoco, pour nous enfoncer, de là, peut-être jusqu’à San-Carlos du Rio-Negro, au delà de l’équateur… Nous avons séché plus de 1 600 plantes et décrit plus de 500 oiseaux, ramassé des coquilles et des insectes ; j’ai fait une cinquantaine de dessins. Je crois qu’en considérant les chaleurs brûlantes de cette zone, vous penserez que nous avons beaucoup travaillé en quatre mois. »

Pendant cette première course, Humboldt avait visité les missions des Indiens Chaymas et Guaraunos. Il avait grimpé sur la cime du Tumiriquiri et était descendu dans la grotte du Guacharo, « caverne, immense et habitation de milliers d’oiseaux de nuit, dont la graisse donne l’huile de Guacharo. Son entrée est véritablement majestueuse, ornée et couronnée de la végétation la plus luxuriante. Il en sort une rivière considérable, et son intérieur retentit du chant lugubre des oiseaux. C’est l’Achéron des Indiens Chaymas, car selon la mythologie de ces peuples et des Indiens de l’Orénoque, l’âme des défunts entre dans cette caverne. Descendre le Guacharo signifie mourir, dans leur langue.

« Les Indiens entrent dans la cueva du Guacharo une fois chaque année, vers le milieu de l’été, armés de perches, à l’aide desquelles ils détruisent la plus grande