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LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

sommer ces viandes sur place, sinon elles étaient pourries au bout d’une heure. Enfin, le poisson qu’on prenait sur cette côte était si malsain, que tous ceux qui en mangèrent, même sobrement, furent très dangereusement malades et coururent risque de la vie.

Le 1er  octobre, les deux bâtiments, amplement pourvus de rafraîchissements et de provisions, quittèrent la rade de Tinian, après un séjour de neuf semaines. Byron reconnut l’île d’Anatacan, déjà vue par Anson, et continua à faire route au nord, dans l’espoir de rencontrer la mousson du N.-E. avant d’arriver aux Bashees, archipel qui forme l’extrémité nord des Philippines. Le 22, il aperçut l’île Grafton, la plus septentrionale de ce groupe, et, le 3 novembre, il atteignit l’île de Timoan, que Dampier avait signalée comme un lieu où l’on pouvait se procurer facilement des rafraîchissements. Mais les habitants, qui sont de race malaise, repoussèrent avec mépris les haches, les couteaux et les instruments de fer qu’on leur offrait en échange de quelques volailles. Ils voulaient des roupies. Ils finirent cependant par se contenter de quelques mouchoirs pour prix d’une douzaine de volailles, d’une chèvre et de son chevreau. Par bonheur, la pêche fut abondante, car il fut à peu près impossible de se procurer des vivres frais.

Byron remit donc à la voile le 7 novembre, passa au large de Poulo-Condor, relâcha à Poulo-Taya, où il rencontra un sloop portant pavillon hollandais, mais sur lequel ne se trouvaient que des Malais. Puis, il atteignit Sumatra, dont il rangea la côte, et laissa tomber l’ancre, le 28 novembre, à Batavia, siège principal de la puissance hollandaise aux Indes Orientales.

Sur la rade, il y avait alors plus de cent vaisseaux, grands ou petits, tant florissait, à cette époque, le commerce de la Compagnie des Indes. La ville était dans toute sa prospérité. Ses rues larges et bien percées, ses canaux admirablement entretenus et bordés de grands arbres, ses maisons régulières, lui donnaient un aspect qui rappelait singulièrement les villes des Pays-Bas. Portugais, Chinois, Anglais, Hollandais, Persans, Maures et Malais s’y croisaient sur les promenades et dans les quartiers d’affaires. Les fêtes, les réceptions, les plaisirs de tout genre donnaient à l’étranger une haute idée de la prospérité de cette ville, et contribuaient à en rendre le séjour agréable. Le seul inconvénient, — et il était considérable pour des équipages qui venaient de faire une si longue campagne, — était l’insalubrité du lieu, où les fièvres sont endémiques. Byron, qui le savait, se hâta d’embarquer ses approvisionnements et remit à la voile, après douze jours de relâche.

Si court qu’eût été ce séjour, il avait encore été trop long. Les bâtiments venaient