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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

et des clous. Mais une des embarcations envoyées pour sonder près de terre fut assaillie à coups de pagaie et de bâton, et les matelots furent forcés de se servir de leurs armes. Un des naturels fut tué, un second grièvement blessé ; les autres se jetèrent à l’eau. Voyant qu’on ne les poursuivait pas, ayant conscience qu’eux-mêmes s’étaient attiré ce châtiment, ils revinrent trafiquer auprès du Dauphin, comme si rien ne s’était passé.

En rentrant à bord, les officiers rapportèrent que les indigènes les avaient pressés de descendre à terre, les femmes surtout, dont les gestes n’étaient pas équivoques. D’ailleurs, près de la côte, il y avait un bon mouillage, à portée de l’aiguade. Le seul inconvénient était une houle assez forte. Le Dauphin releva donc ses ancres, et il prenait le large pour gagner le dessus du vent, lorsque s’ouvrit, à sept ou huit milles, une baie où Wallis résolut d’atterrir. Un dicton veut que le mieux soit l’ennemi du bien. Le capitaine en devait faire l’expérience.

Bien que les chaloupes marchassent devant pour sonder, le Dauphin toucha sur un récif, et l’avant fut engagé. Les mesures recommandées en pareille circonstance furent prises sans retard. Mais, en dehors de la chaîne des roches madréporiques, on ne trouva pas de fond. Impossible, par conséquent, de laisser tomber les ancres et de se touer sur elles en virant au cabestan. Que faire en cette situation critique ? Le bâtiment battait sur l’écueil avec violence, et plusieurs centaines de pirogues semblaient attendre un naufrage certain pour se ruer à la curée. Au bout d’une heure, heureusement, une brise favorable, soufflant de terre, dégagea le Dauphin, qui put gagner sans accident un bon ancrage. Les avaries n’étaient pas sérieuses. On les eut aussi vite oubliées que réparées.

Wallis, que les tentatives réitérées des naturels engageaient à la prudence, répartit son monde en quatre quarts, dont l’un devait être toujours armé, et il fit charger les canons. Cependant, après quelques échanges, le nombre des pirogues augmenta. Au lieu d’être chargées de volailles, de cochons et de fruits, elles ne semblaient porter que des pierres. Les plus grandes avaient des équipages plus nombreux.

Tout à coup, à un signal donné, une grêle de cailloux tomba sur le bâtiment. Wallis ordonna une décharge générale, et fit tirer deux pièces chargées à mitraille. Après un peu de désordre et d’hésitation, les assaillants revinrent deux fois à la charge avec une grande bravoure, et le capitaine, voyant la multitude toujours plus serrée des combattants, n’était pas sans crainte sur l’issue de la lutte, lorsqu’un incident inattendu vint y mettre fin.

Parmi les pirogues qui attaquaient avec le plus d’ardeur l’avant du Dau-