Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

pour régaler tout l’équipage. Ce furent, avec des veaux marins et quantité de poissons, les seuls avantages d’un séjour marqué par une série de rafales et d’orages, qui mirent plus d’une fois le vaisseau en perdition sur cette côte.

Carteret, qui, chassé par des vents impétueux, eut, chaque fois qu’il la regagnait, l’occasion d’observer l’île de Mas-a-fuero, relève plusieurs erreurs du rédacteur du voyage de l’amiral Anson et fournit quelques détails précieux pour les navigateurs.

À son départ de Mas-a-fuero, Carteret porta dans le nord avec l’espoir de rencontrer l’alizé du sud-est. Emporté plus loin qu’il ne comptait, il résolut de chercher les îles Saint-Ambroise et Saint-Félix ou Saint-Paul. Maintenant que Juan-Fernandez était occupée et fortifiée par les Espagnols, ces îles pouvaient être utiles aux Anglais en cas de guerre. Mais les cartes de M. Green et les Éléments de navigation de Robertson n’étaient pas d’accord sur leur position. Carteret, plus confiant dans ce dernier ouvrage, les chercha dans le nord et les manqua. En relisant la description qu’en avait donnée Waser, le chirurgien de Davis, il pensa que ces deux îles étaient la terre rencontrée par ce flibustier dans sa route au sud des îles Galapagos, et que la Terre de Davis n’existait point. C’était une double erreur, d’identifier les îles Saint-Félix avec la Terre de Davis et de nier l’existence de cette dernière, qui n’est autre que l’île de Pâques.

« Nous eûmes, dit Carteret, dans ce parallèle (à 18° à l’ouest de son point de départ), de petites fraîcheurs, un fort courant au nord et d’autres raisons de conjecturer que nous étions près de cette Terre de Davis que nous recherchions avec grand soin. Mais, un bon vent s’élevant derechef, nous gouvernâmes 1/4 S.-0. et nous arrivâmes au 28e degré et demi de latitude sud ; d’où il suit que, si cette terre ou quelque chose de semblable existait, je l’aurais infailliblement rencontrée, ou qu’au moins je l’aurais vue. Je me tins ensuite au 28e degré de latitude sud, 40° à l’ouest de mon point de départ, et, suivant mon estime, à 121° ouest de Londres. »

Tous les navigateurs continuant à admettre l’existence d’un continent austral, Carteret ne pouvait s’imaginer que la Terre de Davis ne fût qu’une petite île, un point perdu au milieu de l’immensité de l’Océan. De ce qu’il ne rencontrait pas de continent, il concluait à la non-existence de cette Terre de Davis. C’est encore en cela qu’il se trompait.

Jusqu’au 7 juin, Carteret continua sa recherche. Il était par 28° de latitude sud et 112° de longitude ouest, c’est-à-dire qu’il se trouvait dans le voisinage immédiat de l’île de Pâques. On était alors au milieu de l’hiver. La mer était continuellement grosse, les vents violents et variables, le temps sombre, brumeux et froid, avec accompagnement de tonnerre, de pluie et de neige. C’est sans doute