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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

défendu de rien acheter que par l’entremise des soldats hollandais, qui abusèrent étrangement de leur pouvoir, car ils faisaient quelquefois plus de mille pour cent de profit. Toutes les plaintes des Anglais furent inutiles ; ils durent se soumettre, pendant tout leur séjour, à une surveillance humiliante au suprême degré.

Ce fut seulement le 22 mai 1768, au retour de la mousson, que le capitaine Carteret put quitter Bonthain, après une longue série d’ennuis, de vexations et d’alarmes qu’il nous est impossible de raconter en détail, et qui avaient mis sa patience à une rude épreuve.

« Célèbes, dit-il, est la clé des Moluques, ou Îles à Épiceries, qui sont nécessairement sous la domination du peuple qui est maître de cette île. La ville de Macassar est bâtie sur une pointe de terre, et elle est arrosée par une rivière ou deux, qui la traversent ou qui coulent dans son voisinage. Le terrain est uni et d’une très belle apparence. Il y a beaucoup de plantations et de bois de cocotiers, entremêlés d’un grand nombre de maisons, qui font juger que le pays est bien peuplé… À Bonthain, le bœuf est excellent, mais il serait difficile d’en trouver pour approvisionner une escadre. On peut s’y procurer autant de riz, de volailles et de fruits qu’on le désirera ; il y a aussi, dans les bois, une grande abondance de cochons sauvages, qu’il est facile d’avoir à bon marché, parce que les naturels du pays, qui sont mahométans, n’en mangent jamais… »

Ces informations, tout incomplètes qu’elles sont, avaient leur intérêt à l’époque où elles furent recueillies, et nous penchons à croire que, bien que vieilles de plus de cent ans, elles présentent encore aujourd’hui un certain fond de vérité.

Aucun incident ne vint marquer la traversée jusqu’à Batavia. Après plusieurs retards, causés par le désir qu’avait la Compagnie hollandaise de se faire délivrer par le commandant un satisfecit de la conduite qu’avait tenue à son égard le gouverneur de Macassar, et qu’il refusa avec beaucoup de fermeté, Carteret obtint la permission de faire réparer son bâtiment.

Le 15 septembre, le Swallow, radoubé tant bien que mal, mit à la voile. Il était muni d’un supplément de matelots anglais, sans lesquels il lui eût été impossible de regagner l’Europe. Vingt-quatre hommes de son équipage primitif étaient morts, et vingt-quatre autres étaient dans un tel état, que sept d’entre eux périrent avant d’atteindre le Cap.

Après un séjour dans ce port, séjour très salutaire à l’équipage, qui se prolongea jusqu’au 6 janvier 1769, Carteret reprit la mer, et rencontra, un peu plus haut que l’Ascension, où il avait touché, un bâtiment français. C’était la