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hors la loi

Washington ni en aucune partie de l’Union. Effet très naturel, somme toute. Aussi, dans la disposition des esprits, à qui eût soutenu que la lettre ne devait pas être prise au sérieux, l’immense majorité se fût hâtée de répondre :

« Elle n’est pas de la main d’un mystificateur !… Celui qui l’a écrite c’est bien l’inventeur de l’insaisissable appareil ! »

Donc, la question ne semblait faire doute pour personne, grâce à un curieux état de mentalité assez compréhensible. À tous ces faits étranges, dont la clef manquait, on donnait maintenant une explication formelle.

Et cette explication, la voici :

Si l’inventeur a disparu depuis un certain temps, il vient de se révéler par un nouvel acte… Loin d’avoir péri par suite d’accident, il s’est retiré dans un endroit où la police n’a pu le découvrir… Et alors, pour répondre aux propositions du gouvernement, il a écrit cette lettre… Mais, au lieu de la mettre à la poste dans n’importe quelle localité, d’où elle fût parvenue à son adresse, il est venu dans la capitale des États-Unis la déposer lui-même et, ainsi que le marquait la note officielle, à l’Hôtel de la police.

Eh bien, si ce personnage avait compté que cette nouvelle preuve de son existence ferait quelque bruit dans les deux mondes, il allait être servi à souhait. Ce jour-là, des millions de lecteurs qui lurent et relurent leur journal — pour employer la phrase bien connue — « ne voulaient pas en croire leurs yeux » de ce qu’ils lisaient.

L’écriture de cette lettre, que je ne cessais d’examiner, se composait de mots tracés d’une plume lourde. Assurément, un graphologue eût distingué en ces lignes les signes d’un tempérament violent, d’un caractère peu commode.

Un cri m’échappa alors, — un cri que Grad n’entendit pas heureusement. Comment n’avais-je pas remarqué plus tôt la