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maître du monde

Assurés, pour l’avoir entendu de la bouche même du capitaine, qu’il ne partirait qu’à l’aube, Wells et moi, nous fûmes d’accord pour laisser revenir les hommes, et, lorsqu’ils seraient endormis, nous prendrions possession de l’Épouvante

Maintenant, pourquoi, la veille, le capitaine avait-il quitté son mouillage, sans achever l’embarquement du matériel, ce qui l’avait forcé de regagner la crique, je ne me l’expliquais pas. En tout cas, c’était une heureuse chance et nous saurions en profiter.

Il était alors dix heures et demie. À ce moment, des pas se firent entendre sur le sable. L’homme au fanal reparut avec son compagnon, et tous deux remontèrent vers le bois. Dès qu’ils eurent franchi la lisière, Wells alla prévenir nos agents, tandis que je me glissai jusqu’à l’extrémité de la passe.

L’Épouvante était à bout d’amarre. Autant qu’on en pouvait juger, c’était bien un appareil allongé en forme de fuseau, sans cheminée, sans mâture, sans gréement, semblable à celui qui avait évolué sur les parages de la Nouvelle-Angleterre.

Nous reprîmes place dans les anfractuosités, après avoir vérifié nos revolvers, dont il y aurait peut-être lieu de se servir.

Cinq minutes s’étaient écoulées depuis que les hommes avaient disparu, et, d’un moment à l’autre, on s’attendait à les voir revenir avec les ballots. Après qu’ils seraient embarqués, nous attendrions le moment de sauter à bord, mais pas avant une heure, afin que le capitaine et ses compagnons fussent profondément endormis. Il importait qu’ils n’eussent le temps ni de lancer l’appareil sur les eaux de l’Érié, ni de l’immerger dans ses profondeurs, car nous aurions été entraînés avec lui.

Non ! je n’ai jamais ressenti, dans toute ma carrière, pareille impatience !…

Il me semblait que les deux hommes retenus dans le bois, quelque circonstance les empêchait d’en sortir…