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maître du monde

Ai-je besoin d’ajouter que le capitaine de l’Épouvante était bien l’un des deux individus qui me guettaient devant ma maison de Long-Street !…

Et, si je le reconnaissais, nul doute qu’il me reconnût pour l’inspecteur principal Strock, à qui avait été confiée la mission de pénétrer dans le Great-Eyry !

Et, alors, en l’observant, l’idée me vint — idée que je n’avais pas eue à Washington — que sa figure si caractéristique, je l’avais déjà vue… où ?… sur une fiche du bureau des informations, ou tout simplement en photographie à quelque vitrine ?…

Mais combien vague, ce souvenir, et n’étais-je pas plutôt le jouet d’une illusion ?…

Enfin, si ses compagnons n’avaient pas eu la politesse de me répondre, peut-être ferait-il plus d’honneur à mes questions ?… Nous parlions la même langue, bien que je n’eusse pu assurer qu’il fût comme moi Américain d’origine… À moins qu’il n’y eût chez lui parti pris de ne pas me comprendre, afin de ne point avoir à me répondre !…

Enfin, que voulait-il faire de moi ? Comptait-il se débarrasser sans plus de façon de ma personne ?… N’attendait-il que la nuit pour me jeter à l’eau ?… Le peu que je savais de lui suffisait-il à faire de moi un témoin dangereux ?… Eh bien, mieux eût valu me laisser au bout de l’amarre !… Cela aurait évité de m’envoyer par le fond !…

Je me relevai, je gagnai l’arrière, je restai debout devant lui.

Ce fut bien en face qu’il fixa sur moi son regard brillant comme une flamme.

« Êtes-vous le capitaine ?… » demandai-je.

Silence de sa part.

« Ce bateau… est bien l’Épouvante  ?… »

À ma question, nulle réponse.

Alors je m’avançai, et je voulus le saisir par le bras…