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le niagara

dans l’angle de l’Érié, en laissant Buffalo sur tribord, puisque le Niagara ne lui offrait aucun passage.

Le capitaine était venu prendre la barre, l’un des hommes à l’avant, l’autre dans la chambre des machines.

L’ordre n’allait-il pas m’être donné de rentrer dans ma cabane ?…

Il n’en fut rien, à mon extrême satisfaction, et, pour tout dire, personne ne s’occupait de moi, pas plus que si je n’eusse été à bord…

J’observais, non sans une vive émotion, l’approche des destroyers. À moins de deux milles alors, ils évoluaient de manière à tenir l’Épouvante entre deux feux.

Quant au Maître du Monde, sa figure ne montrait que le plus profond dédain. Ne savait-il pas que ces destroyers ne pouvaient rien contre lui… Un ordre envoyé à la machine et il les distancerait, si rapides fussent-ils !… En quelques tours de moteur, l’Épouvante serait hors de la portée de leurs canons ; et ce n’est pas dans les profondeurs de l’Érié que les projectiles iraient atteindre le sous-marin !…

Dix minutes plus tard, c’est à peine si un mille nous séparait des deux bâtiments qui nous donnaient la chasse…

Le capitaine les laissa s’approcher encore. Puis il appuya sur la manette, et l’Épouvante, sous l’action redoublée de ses propulseurs, bondit à la surface du lac. Elle se jouait de ces destroyers, et, au lieu de revenir en arrière, continua sa marche en avant ! Qui sait si elle n’aurait pas l’audace de passer entre eux, de les entraîner à sa suite jusqu’à l’heure où, la nuit venue, ils seraient forcés d’abandonner cette poursuite inutile.

La ville de Buffalo se dessinait alors sur la rive de l’Érié. Je voyais distinctement ses édifices, ses clochers, ses élévators. Un peu plus au nord-ouest s’ouvrait le Niagara, à quatre ou cinq milles de distance.