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le nid de l’aigle

geait de toute sa personne !… Et jusqu’où son ambition le porterait-elle, si, par son excès même, elle dégénérait quelque jour en folie ?…

Une demi-heure après l’envolée de l’Épouvante, j’étais tombé, sans m’en rendre compte, dans un complet anéantissement. Je le répète, cet état avait dû être provoqué par quelque soporifique. Sans doute, le capitaine ne voulait pas me laisser reconnaître quelle direction il suivait.

Donc, l’aviateur a-t-il continué son vol à travers l’espace, a-t-il navigué à la surface d’une mer ou d’un lac, s’est-il lancé sur les routes du territoire américain, je ne saurais le dire. Aucun souvenir ne m’est resté de ce qui s’est passé pendant cette nuit du 31 juillet au 1er août.

Maintenant qu’allait être la suite de cette aventure, et principalement, en ce qui me concernait, quelle en serait la conclusion ?…

J’ai dit qu’au moment où mon étrange sommeil avait pris fin, l’Épouvante paraissait être dans une complète immobilité. Pas d’erreur à ce sujet : sous quelque forme qu’il se fût produit, j’aurais ressenti ce mouvement, même à travers les airs.

Lorsque je me réveillai, j’étais dans ma cabine, où j’avais été renfermé sans m’en être aperçu, ainsi que cela s’était fait pendant la première nuit passée à bord de l’Épouvante sur le lac Érié.

Toute la question était de savoir s’il me serait permis de monter sur le pont, puisque l’appareil avait atterri.

J’essayai de relever le panneau qui résista à la poussée.

« Eh ! me disais-je, est-ce que la liberté ne me sera pas rendue avant que l’Épouvante n’ait repris sa navigation ou son vol ?… »

N’étaient-ce pas, en effet, les deux seules circonstances dans lesquelles toute fuite devenait impossible ?…

On comprend mon impatience, mon inquiétude, ignorant combien de temps durerait cette halte terrestre.