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le nid de l’aigle

Pleasant-Garden et ceux de Morganton ?… Mais quel était donc ce matériel, et quel intérêt le capitaine avait-il eu à le détruire ?…

En ce moment, passa toute une risée de brise qui commençait à s’élever dans l’est. Le ciel subitement se dégagea des vapeurs. L’enceinte fut inondée de lumière sous les rayons du soleil, à mi-chemin de l’horizon et du zénith.

Un cri m’échappa !…

L’arête du cadre rocheux venait de se découvrir à la hauteur d’une centaine de pieds… Et du côté de l’est saillit à mes regards cette silhouette si reconnaissable, ce roc taillé en forme d’aigle…

C’était bien celui que nous avions remarqué, M. Elias Smith et moi, lors de notre ascension au Great-Eyry !…

Ainsi, plus de doute ! Pendant la nuit dernière, dans son vol, l’aviateur avait franchi la distance comprise entre le lac Érié et la Caroline du Nord !… C’était au fond de cette aire que se remisait l’appareil !… C’était ce nid digne du puissant et gigantesque oiseau créé par le génie de son inventeur, duquel il était impossible à tout autre que lui de franchir les infranchissables murailles ?… Et qui sait même s’il n’avait pas découvert, en quelque profonde anfractuosité, une communication souterraine avec le dehors, et qui lui permettait de quitter le Great-Eyry, en y laissant l’Épouvante  ?…

Ainsi se fit toute complète révélation dans mon esprit !… Ainsi s’expliquait la première lettre venue du Great-Eyry, qui me menaçait de mort !… Et, si nous avions pu pénétrer dans ce cirque, qui sait si les secrets du Maître du Monde n’eussent pas été découverts avant qu’il eût pu se mettre hors d’atteinte ?…

J’étais là, immobile, les yeux fixés sur l’aigle de pierre, en proie à une émotion violente !… Et, quoi qu’il pût en arriver, je me demandais si, cet appareil, je ne devrais pas tenter de le détruire avant qu’il ne reprît son vol à travers le monde !…