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maître du monde

énorme tête sphéroïdale. Des yeux que la moindre émotion devait porter à l’incandescence, et au-dessus, en permanente contraction, le muscle sourcilier, signe d’extrême énergie. Des cheveux courts, un peu crépus, à reflets métalliques, comme eût été un toupet de paille de fer, large poitrine qui s’élevait et s’abaissait avec des mouvements de soufflet de forge, des bras, des mains, des jambes dignes du tronc, pas de moustaches, pas de favoris, une large barbiche à l’américaine, qui laissait voir les attaches de la mâchoire, dont les masséters devaient posséder une puissance formidable.

Tel était le portrait de l’homme extraordinaire que reproduisirent tous les journaux de l’Union, à la date du 13 juin 18…, le lendemain du jour où ce personnage fit son apparition sensationnelle à la séance du Weldon-Institut de Philadelphie.

Et c’était ce Robur-le-Conquérant qui venait de se révéler à moi, en me jetant son nom retentissant comme une menace, et dans l’enceinte même du Great-Eyry !…

Il est nécessaire de rappeler succinctement les faits qui attirèrent sur ledit Robur l’attention de tout le pays[1]. D’eux découlent les conséquences de cette prodigieuse aventure dont le dénouement était en dehors des prévisions humaines.

Dans la soirée du 12 juin, à Philadelphie, se tenait une assemblée du Weldon-Institut, président Uncle Prudent, l’un des personnages les plus importants de ce chef-lieu de l’État de Pennsylvanie ; secrétaire, Phil Evans, non moins important personnage de la même ville. On discutait la grande question des ballons dirigeables. Par les soins du conseil d’administration, un aérostat cubant quarante mille mètres cubes, le Go a head, venait d’être construit. Son déplacement horizontal devait s’effectuer sous l’action d’une dynamo, à la fois légère et puissante,

  1. Voir, dans la série des Voyages Extraordinaires, le volume qui a pour titre : Robur-Le-Conquérant et d’où sont tirées les trois gravures de ce chapître