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Page:Verne - Maître du monde, Hetzel, 1904.djvu/202

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maître du monde

que l’orateur de la veille ne les avait pas trompés, qu’il possédait une machine aérienne fondée sur le principe du plus lourd que l’air, laquelle, par bonne ou mauvaise chance, — ils le verraient bien, — leur réservait un extraordinaire voyage.

Cet appareil, imaginé et construit par l’ingénieur Robur, reposait sur le double fonctionnement de l’hélice qui, en tournant, progresse dans la direction de son axe. Si cet axe est vertical, elle se déplace verticalement ; s’il est horizontal, elle se déplace horizontalement. Tel l’hélicoptère, qui s’élève parce qu’il frappe obliquement l’air comme s’il se mouvait sur un plan incliné.

Cet aviateur, l’Albatros, se composait d’un bâti long de trente mètres, muni de deux propulseurs, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière, et d’un jeu de trente-sept hélices suspensives d’axe vertical, soit quinze de chaque côté du bâti, et sept plus élevées au milieu de l’appareil. Cela constituait un ensemble de trente-sept mâts, gréés de branches au lieu de voiles, et auxquelles les machines, installées dans les roufs de la plate-forme, imprimaient une rotation prodigieuse.

Quant à la force employée pour soutenir et mouvoir cet aviateur, elle n’était fournie ni par la vapeur d’eau ou tout autre liquide, ni par l’air comprimé ou autre gaz élastique. Ce n’était pas non plus aux mélanges explosifs que Robur l’avait demandée, mais bien à cet agent qui se prête à tant d’usages, à l’électricité. Maintenant, comment et où l’inventeur puisait-il cette électricité dont il chargeait ses piles et ses accumulateurs ?… Très probablement, — on n’a jamais connu son secret, — il la tirait de l’air ambiant, toujours plus ou moins chargé de fluide, ainsi, d’ailleurs, que la tirait de l’eau ambiante ce célèbre capitaine Nemo, lorsqu’il lançait son Nautilus à travers les profondeurs de l’Océan.

Et ce secret, il faut le dire, ni Oncle Prudent ni Phil Evans ne devaient le découvrir pendant toute la durée d’un voyage aérien qui allait promener l’Albatros au-dessus du sphéroïde terrestre.